EXAMEN DE CONSCIENCE OUTIL DE LEADERSHIP POLITIQUE ET SOCIAL
Le langage habituellement utilisé par les confessions religieuses est devenu depuis quelque temps un langage ordinaire enpolitique aussi. Les vocables de vérité, de justice, de pardon, de réconciliation constituent un langage ordinaire des religions. La perspective de mise sur pied des mécanismes de justice transitionnelle en fait aujourd’hui des mots techniques du langage politique ordinaire. Aujourd’hui, on parle volontiers de dirigeants de partis politiques ou des membres d’un gouvernement qui vont passer une semaine en retraite. Au-delà de la magie des mots, on sent de plus en plus un désir de retour à une base éthique, même chez des personnalités de très haut niveau. En considérant la dernière crise financière qui a frappé le monde depuis quelques temps déjà, un économiste averti et très respecté comme Joseph Eugene Stiglitz, qui connait bien la Banque Mondiale puisqu’il en a été Vice-président et qui a reçu le prix Nobel de sciences économiques en 2001, crie haut et fort que cette crise est d’abord d’ordre moral. Il le dit ainsi et avec force :
« On a beaucoup écrit sur les risques démentiels qu’a pris le secteur financier, sur les ravages que les institutions financières ont infligés à l’économie et sur les déficits budgétaires qui en ont résulté ; on a trop peu écrit sur le « déficit moral » implicite, qui est apparu au grand jour – un déficit peut-être encore plus grand que l’autre, et plus difficile à corriger. Si l’inlassable quête des profits et l’exaltation de l’intérêt personnel n’ont pas créé la prospérité espérée, elles ont contribué à créer le déficit moral ».
J’étais donc agréablement surpris de voir l’équipe d’Initiatives et Changement International avec son partenaire Burundi organiser un atelier sur l’examen de conscience, une pratique développée depuis des siècles dans les milieux religieux comme prise en mains, devant Dieu, de la responsabilité de ses pensées, de ses actions ou de son inaction, de ses paroles ou de ses silences, de ses attitudes et de ses sentiments, autant dans la sphère privée que dans l’ordre familial et le commerce social. Cet exercice est pratiqué pour répondre aux impératifs de la conscience morale. L’idée de suivi et d’évaluation n’est pas une invention d’aujourd’hui. Elle est voulue par le créateur qui a doté la raison et la volonté de ce potentiel. La dynamique des projets demandent aujourd’hui qu’on soit très attentif pour faire les suivis et les évaluations afin de focaliser nos objectifs sur des impacts vérifiables. Il n’est pas sûr que cette logique aille suffisamment en profondeur pour apprécier la qualité de la vie, non seulement au niveau du bénéfice des commodités et autres arrangements sociaux, mais surtout (et d’abord) au niveau du sens de la vie et de la cohérence avec la base des valeurs éthiques.
La question de la redécouverte de la conscience est cruciale ici. Il s’agit de renouer avec cette voix en nous qui ne cesse de nous presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, conscience qui résonne au moment opportun dans l’intimité de notre cœur. Cette loi n’est pas de notre invention. Elle est inscrite par le créateur dans la profondeur de notre être, faisant de la conscience le centre le plus intime et le plus secret de l’être humain, le sanctuaire où l’être humain est seul avec lui-même et avec l’absolu que beaucoup ici appellent Dieu.
On m’a demandé de vous présenter un pré-texte pour vos propres réflexions sur le sujet de la conscience comme outil de gouvernance de soi ouvrant à la gouvernance autour de soi. C’est ce que je voudrais entreprendre en 3 points :
- L’héritage de l’oppression, de la violence et de la guerre par rapport à la déconstruction de la base des valeurs car le climat de violence et de guerre désarticule la base des normes.
- Le besoin incontournable de retrouver la base éthique car elle est cruciale pour la vie personnelle, familiale et sociale. C’est elle qui doit éclairer toute entreprise de renaissance et de reconstruction.
- La dynamique de l’examen de conscience comme réflexe vital ordinaire. En effet, celle-ci permet non seulement de limiter les conséquences néfastes sur la vie des différents membres de la communauté, mais aussi (et plus positivement encore) de garder l’écologie humaine dans le cadre des valeurs propres à la promotion de la dignité de la personne humaine et de sa vocation par rapport à la création.
Je vais partir de loin pour m’approcher progressivement de l’intimité de la personne humaine.
1.L’héritage de l’oppression, de la violence et de la guerre par rapport à la déconstruction de la base des valeurs.
Pablo de Greiff, directeur de recherche à « International Center for Transitional Justice (ICTJ) » de New York, a développé des analyses d’une pertinence singulièrement éclairante. Les conflits armés, les dictatures, les désastres humains et les violations massives des droits humains ont un long impact sur l’inhibition et l’atrophie des capacités de développement intégral des citoyens. Ils désarticulent les systèmes et les institutions d’éducation, déstabilisent le travail de production, détruisent les réseaux et le sens de solidarité et accroissent le niveau de pauvreté. Cela place un pays comme le nôtre dans un cercle vicieux où les différents paradigmes d’organisation politique et de développement ainsi que différents projets initiés depuis de décennies n’ont pas réussi à promouvoir un décollage réel.
L’héritage des atrocités du passé développe inconsciemment au sein des victimes, mais aussi de leur communauté un profond et durable sentiment de peur et d’incertitude. Cela se remarque d’abord chez ceux qui ont subi des sévices physiques ou des ségrégations identitaires et s’étend rapidement ensuite chez leurs membres de familles et, par osmose, jusqu’à leur communauté et à la société en général. Ce sens d’incertitude conduit à une peur panique permanente qui génère à son tour une démobilisation intérieure et une perte de la capacité d’initiatives.
De plus, les gens perdent progressivement la capacité de développer des attentes et des aspirations par rapport à ce à quoi ils pourraient s’attendre raisonnablement, et quand ils le font, ils l’expriment avec violence. Ayant subi des frustrations dans leurs droits élémentaires, ces victimes finissent pas se convaincre qu’elles ne peuvent pas s’attendre à quelque chose de bon et atrophient progressivement la sphère de leurs ambitions. Les enfants qui naissent dans les milieux aisés sont beaucoup plus à même de rêver toujours d’ambitions grandissantes tandis que les pauvres et les victimes des violences développent une logique d’autocensure. Les gens perdent le goût d’aspirer à un statut social épanouissant au niveau professionnel et au niveau économique. L’audace de faire des réclamations auprès des autorités va en diminuant. Cette capacité d’aspiration ne touche pas seulement les besoins et les désirs individuels, les préférences ou les plans, elle est plus profonde encore en touchant les attentes sociales et les attentes au niveau de la conception et de l’application des normes. Les phénomènes de violence domestique, d’alcoolisme, de cassure des ménages sont aussi des symptômes de la désarticulation généralisée de la base des normes. Il en sera de même pour les phénomènes d’intolérance et de corruptions. Même quand on assiste à une explosion ou une inflation du phénomène de la religion, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il s’agit d’un retour à l’enracinement dans une base des valeurs. Il peut s’agir d’un simple réarrangement existentiel dans un contexte d’une profonde et diffuse incertitude. C’est ainsi qu’un christianisme ou un autre culte très exubérant dans les lieux de culte dans des sociétés ainsi frappées restent problématique du moment qu’il n’est pas toujours assuré qu’il se fonde dans une base vécue de normes.
Dans une société profondément marquée par les violences, il se développe des réflexes de réclusion qui confinent les membres à leurs familles, à leurs clubs et communautés, réduisant ainsi l’idée de l’espace public. Cela conduit à un désengagement des réseaux sociaux et de la dynamique de solidarité sociale en général.
Ces phénomènes ne touchent pas que les victimes. En effet, la dynamique de peur est contagieuse. Les auteurs des violations des droits humains finissent par développer le même type de réflexe de réclusion et de solidarité fermée que les victimes, non seulement à cause des sentiments d’insécurité par rapport aux révoltes éventuelles, mais aussi par peur du retournement de l’histoire. Dans un tel contexte, il devient difficile, autant pour les victimes que pour les auteurs des violations des droits humains de voir les citoyens d’un même pays ou d’une même région augmenter les possibilités de travailler ensemble. C’est cela qui conduit habituellement au cycle bourreau – victime, faisant des victimes des atrocités d’hier des auteurs d’atrocité de demain.
Un autre phénomène qui apparaît généralement dans des cadres de violences est la perte de confiance dans les institutions. On n’y croit plus. Comment pourrait-on répondre positivement à une autorité ou à une institution dont on est convaincu qu’on ne partage plus la même base des normes. Les propos et les décisions des autorités institutionnelles provoquent chez les victimes des ressentiments qui ne permettent aucun sens de collaboration librement consenti pour l’exécution d’un quelconque programme. Les institutions sont ainsi obligées de recourir chaque fois à un surcroît de force pour faire exécuter les décisions prises, ce qui accroit les frustrations avec le potentiel de violence qui les accompagne. Les pauvres ont l’impression d’être soumis à une pression les obligeant à souscrire à des normes dont les effets sociaux contribuent à la diminution de leur dignité en exacerbant l’inégalité et en les marginalisant d’avantage dans l’accès aux biens et aux services. Quand nous parlons de mise sur pieds des mécanismes de justice transitionnelle, il s’agit en fait de parier sur une renaissance de la société avec régénération des énergies intérieures des populations. Il s’agit de travailler à nouveaux frais au renforcement du capital social avec renaissance de la confiance par rapport aux discriminations et exclusions, de la réciprocité et de la solidarité par rapport aux exclusions et aux réflexes de réclusion réduisant l’espace public, des valeurs partagées en réponse à la méfiance envers les institutions dont on ne partage plus la même base des normes, du sens de sécurité face au sentiment de peur et d’incertitude.
Il est important que nous revenions sur nos ressources spirituelles et nos ressorts de culture de la vie pour relancer notre développement. Il faut revenir aux grandes idées et visions tout en restant réaliste. C’est ici qu’il est intéressant de voir comment les pères de l’indépendance des pays africains avaient proposé des idées-forces qui renouent avec les harmoniques des cultures africaines pour penser les grandes œuvres de développement, même si ces idées n’ont pas fait long feu.
Evoquons juste quelques unes de ces figures même si leurs pensées commencent à dater et méritent d’être relues avec une vigilance critique. L’important ici est de percevoir la profondeur et la pertinence de leur questionnement. Julius Nyerere, président de la Tanzanie entre 1962 et 1985, a essayé de concevoir un système politique et économique basé sur les valeurs de la famille (Ujamaa) comme la coopération, le partage, l’attention aux autres membres de la famille et la compassion. Benjamin Nnamdi Azikiwe, président du Nigéria de 1963 à 1966, a essayé de développer une philosophie africaine qui identifiait cinq concepts clés devant guider l’Afrique vers son émancipation : l’équilibre spirituel, la régénération sociale, la détermination économique, l’émancipation mentale et la résurgence politique sur la scène internationale. Kenneth David Kaunda, président de la Zambie de 1964 à 1991, a tenté de développer une pensée dont l’humanisme était enraciné dans les valeurs de l’aide mutuelle, la coopération, la responsabilité et l’attention aux autres. Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal de 1960 à 1980, développa une pensée riche sur la négritude en ramenant sur le champ de la rationalité à partir d’une vision poétique les concepts de communion, de participation et de sympathie. On se souviendra de son célèbre aphorisme qui a fait l’objet de beaucoup de critiques :« l’émotion est nègre comme la raison est hellène». Kwame Nkrumah, d’abord leader du mouvement indépendantiste de 1950 à 1957, puis président du Ghana indépendant à partir du 6 Mars 1957 jusqu’à sa déposition par coup d’Etat en février 1966 milita pour l’indépendance de son pays à partir d’une appropriation avertie de la culture occidentale dans une âme culturelle fidèle à son identité. C’est avec cette solidité culturelle qu’il milita pour le panafricanisme et joua un rôle important dans la création de l’OUA. Tenté par un marxisme non-aligné, ses perspectives économiques partaient de la conviction que le capitalisme avait des effets pervers qui allaient avoir un effet durable sur l’Afrique. Bien que Nkumah soit demeuré critique par rapport au socialisme développé par ses pairs africains, il restait convaincu que le socialisme permettrait de meilleurs changements par rapport au capitalisme en respectant les valeurs africaines.
Ces penseurs africains ouvraient de nouvelles visions pour les peuples africains. La question restait de savoir quel était le lien que ces visions avaient avec la vie réelle des populations africaines dans leur quotidien. On peut aussi se demander s’il ne s’agissait pas d’une stratégie de légitimation de la nouvelle élite africaine surtout que, dans leur gouvernement, ces dirigeants politiques ont verrouillé l’espace politique et organisé un contrôle serré de l’Etat sur l’espace public. Leurs idées sont progressivement apparues beaucoup plus comme des idéologies de légitimation de leur pouvoir que des philosophies qui pouvaient leur survivre. Il peut y avoir une marge entre les idées forces professées et les résultats des politiques qui s’en inspirent. Développer une culture politique responsable demande qu’on soit capable d’affronter les véritables questions de la société et qu’on soit prêt à entrer en dialogue et à corriger ses propres vues. Nous savons qu’à la même époque, le groupe de « Conscience Africaine », ancêtre de « Présence Africaine » avec des géants comme Alioune Diop, développait une base culturelle beaucoup plus solide pour l’émancipation de l’Afrique. L’Abbé Joseph Albert Malula, qui a fini par devenir le Cardinal Malula de Kinshasa était un des animateurs de ce groupe et a lancé le mouvement de théologie africaine. Le Prince Louis Rwagasore est de ces géants africains. Il doit regarder avec tristesse les fils et les filles de son peuple aujourd’hui.
Ce petit détour qui peut paraître hors sujet nous permet de sentir, je l’espère, combien il est important d’organiser des synthèses directrices dans lesquelles les éléments économiques, sociaux, culturels et spirituels s’harmonisent, ce qui suppose des moments de retrait où on peut s’interroger en conscience sur le sens de ses actions et l’orientation de la vie. On disait de Moammar El Khaddafi qu’il prenait des temps de méditation quotidienne comme technique ordinaire rythmant sa journée. Comment pourrait-on faire un examen de conscience si on n’a pas de grandes visions et un système directeur puisant à la sagesse d’une vie ordonnée et cohérente ?
2.Le besoin incontournable de retrouver la base éthique.
Le philosophe et Jurisconsulte britannique Jeremy Bentham (1748 – 1832) avait développé le principe selon lequel l’être humain est seulement guidé par le principe hédoniste en recherchant le plaisir et en évitant la souffrance. A ses yeux, la maximisation de l’utilité était liée à cette recherche comme standard de toute évaluation. Il a même opiné que l’argent est la mesure adéquate de la quantité de peine ou de plaisir qu’un être humain peut recevoir. On comprend alors la considération qui peut en découler sur ce qui est bien ou mal, profitable ou non, plaisant ou pénible. Tout ici repose sur le jugement subjectif de l’individu. Nous sommes ici au cœur de l’intérêt individuel sans aucune référence à une quelconque base morale qui sorte l’individu de lui-même. Dans la satisfaction individuel qui maximise le plaisir et minimise la souffrance, la relation à la création devient de nature purement utilitariste. La connexion entre l’ordre moral, la sphère économique et l’organisation de la cité n’ont donc plus de régulateur.
Nous sommes pourtant des êtres marqués par l’ouverture à la vérité et à la beauté. Nous gardons en nous l’aspiration à l’infini et au bonheur, un bonheur qui n’est pas de l’instant mais perçu comme germe d’éternité qui ne puisse être réductible à la seule matière. Nous portons aussi en nous une ouverture à la liberté, ce qui nous permet de faire des choix et de poser librement des actes décidés par le jugement de la conscience. Cela suppose que nous puissions nous enraciner dans une perception éclairé du sens du bien et du mal. Nous nous trouvons ainsi devant l’impérieuse nécessité de remettre en lumière les principes éthiques qui sont l’expression de la même nature humaine. Nous sommes conduits à revisiter la question de la loi naturelle. Comme le disait l’année passée le Pape Benoît XVI dans son Encyclique Caritas in Veritate, nous devons redécouvrir « la nature humaine, voulue par le Créateur et que la sagesse éthique de l’humanité appelle la loi naturelle. Cette loi morale universelle est le fondement solide de tout dialogue culturel, religieux et politique et elle permet au pluralisme multiforme des diverses cultures de ne pas se détacher de la recherche commune du vrai, du bien et de Dieu. L’adhésion à cette loi inscrite dans les cœurs est donc le présupposé de toute collaboration sociale constructive ».
En amont de cette nécessité de collaboration sociale constructive sur une base authentique des valeurs, il s’agit de percevoir que la vie morale atteste la dignité de la personne humaine. Si cette base morale n’existe pas, la vie en société ne suit plus que la loi de la jungle où les animaux les plus forts mangent les plus faibles, sauf que les êtres humains sont plus intelligents que les animaux, et peuvent donc faire plus de dégâts.
3.La dynamique de l’examen de conscience.
Après tout ce parcours, j’espère qu’il est maintenant aisé de comprendre que l’examen de conscience est un appel à l’authenticité et à la cohérence de la vie. Il s’agit d’examiner sa conduite à la lumière de la base des valeurs morales. Il s’agit de s’éprouver soi-même en appliquant les principes éthiques à la situation vécue.
La tradition qui est la mienne (je suis de l’Eglise Catholique) a toujours considéré trois éléments importants dans cet examen appliqué à soi-même pour apprécier les actes bons et les actes mauvais. Il s’agit de considérer l’objet de l’acte, la fin visée ou intention ainsi que les circonstances de l’action. Aucun de ces éléments ne se suffit en lui-même. Un objet pourtant bon peut être corrompu par l’intention ou manquer de sagesse ou de discernement suivant les circonstances. D’autre part, un objet mauvais comme la fornication ne peut pas tirer sa justification d’une bonne intention ou d’un contexte de pression sociale. Il y a des comportements qu’il est toujours erroné de choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté. Une fin ou une intention bonne en elle-même ne suffit à qualifier l’acte de moralement bon. On ne peut pas justifier une action mauvaise faite avec une bonne intention comme l’homicide ou l’adultère.
L’acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l’objet, la bonté de la fin et l’organisation positive des circonstances. C’est ici qu’il a toujours été important de réfléchir sur une conscience erronée qui, souvent, recourt à des justifications habillement tissées pour décharger la conscience de sa responsabilité afin de se donner bonne conscience en se disant qu’on n’a rien à se reprocher ou en cherchant des boucs émissaires.
La dynamique de la conscience évolue normalement suivant une certaine logique que je peux ramener à 7 phases :
D’abord le moment d’éclairage de la conscience : Il est impossible de s’ouvrir à un examen de conscience si on ne peut s’ouvrir à la base des valeurs et à la loi naturelle. C’est en se mirant dans cet instrument qu’on peut apprécier la cohérence de sa vie. Cela suppose qu’on forme et qu’on informe sa conscience par une croissance dans les valeurs.
Le deuxième moment est celui de la contrition. Après une prise de conscience de la non-conformité à des normes éthiques, la conscience vit un mouvement de trouble et de regret en reconnaissant le fait que l’action posée détruit l’humain en soi ou dans les autres ou qu’il ne promeut pas dans le milieu une authentique écologie propre à développer la vie humaine.
Le troisième moment conduit à la repentance qui est la décision de réorienter son chemin, de revenir sur ses choix et faire de nouvelles options.
Le quatrième moment est celui de l’aveu. Celui-ci peut être public comme on le voit dans certaines confessions religieuses (que certains appellent « kwatura ivyaha»). Il peut aussi être privé comme cette confession à un ministre du culte, à son époux ou épouse, à celui que l’on a offensé, ou à Dieu. On a aussi certains aveux publics d’hommes ou de femmes d’Etat pour des erreurs qui sont finalement reconnues et assumées comme erreurs aux yeux de la nation.
Le cinquième moment amène à accepter la peine éventuelle ou acte de rémission qui peut se présenter sous diverses formes mais qui conduit à travailler à la restauration de la relation à travers des symboles ou d’autres mécanismes de réparation.
Le sixième moment est celui de l’absolution où on se sent intérieurement libéré du poids de la faute avec une renaissance intérieure de soi-même et de la relation aux autres.
Le septième moment est celui de l’action de grâce où on peut dire MERCI à Dieu et à la personne que l’on avait offensée en montrant la gratitude pour le pardon reçu et l’offre d’une relation renouvelée.
Ces 7 étapes peuvent être ramenées à 5 par d’autres traditions qui reviennent à celles-ci :
Accepter de se laisser interpeller en conscience par soi-même, par les autres ou par la situation.
Se mettre en situation d’écoute pour apprécier la teneur de l’interpellation, en comprendre les causes et en apprécier les effets dans leurs dimensions personnelle, structurelle, culturelle et relationnelle.
Se questionner sur ce qui aurait dû être pré-requis pour l’action et qu’on n’a pas fait, sur les choix engagés alors qu’il y avait d’autres alternatives, et sur les moyens mis à l’exécution de l’action dans leur conformité à la base des normes éthiques.
Entrer dans un silence de régénération de soi-même pour se mettre à une relecture de la base des valeurs.
Prendre de nouvelles résolutions et engager de nouvelles décisions qui corrigent ce qui avait été faussé pour désormais travailler au renforcement de la vie individuelle, familiale, sociale et politique.
Arriver à vivre cette dynamique suppose une longue éducation de soi-même. Décider en conscience ne signifie pas nécessairement qu’on ne se trompe pas. Il peut toujours subsister des erreurs dans l’appréciation des éléments requis à chaque étape. Mais prendre le temps de faire ce parcours limite beaucoup les incohérences de sa vie par rapport à la base des normes éthiques. Cela conduit aussi à réduire les drames sociopolitiques dont l’ampleur peut aussi dépendre de la position que l’on occupe dans la société.
4.Que conclure ?
L’examen de conscience n’est pas un mécanisme seulement propre aux arcanes du religieux. Il s’agit d’un outil ordinaire de conduite de la vie. C’est un outil de bonne gouvernance de soi ouvrant à une bonne gouvernance autour de soi.
Je vous remercie.
Joseph E. Stiglitz, Le triomphe de la cupidité (Traduit de l’anglais – américain – par Paul Chemla), LLL Les lies qui libèrent, Mayenne France, Mars 2010, p.440.
Voir sur ce sujet : Catéchisme de l’Eglise Catholique, édition de 1992, n° 1776 – 1798.
Voir Pablo De GREIFF & Roger DUTHIE (éditeurs), Transitional Justice and Dévelopment : Making Connections, Advancing Transitional Justice Series, Social Cience Research Council, New York, 2009 (en particulier, les pages 29 à 75).
Voir Julius Kambarage NYERERE, Ujamaa : Essays on Socialism, Oxford University Press, Dar-es-Salaam, 1968.
Voir Kenneth Kaunda, A Humanism in Africa, Longman, London 1968.
Voir Léopold Sédar Senghor, Liberté I : Négritude et Humanisme, Seuil, Paris 1964.
Voir Kwame Nkrumah, African personnality, 1963 ; Neo-colonialism : The last stage of Imperialism, 1965 ; African Socialism Revisited, 1967 ; Consciencism : Philosophy and Ideology for De-Colonisation, 1970 ; I Speak of Freedom, 1973 ; Revolutionay Path, 1973.
Caritas in Veritate, n°59.
Voir Catéchisme de l’Eglise Catholique, édition de 1992, n° 1755 – 1756.
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