Formation des comités locaux, des élus locaux et des autres membres du leadership local sur la notion de traumatisme
Le phénomène de traumatisme constitue toujours un phénomène nouveau et incompris dans notre pays. Ainsi, la plupart des burundais (surtout les non instruits) considèrent jusque aujourd’hui les personnes traumatisées comme des malades mentaux ou des personnes victimes de l’ensorcellement. Au niveau de la terminologie culturelle, les mots utilisés pour désigner un traumatisé prouvent à suffisance que les gens nécessitent une sensibilisation sur ce que c’est le trauma, ses causes, ses signes ou symptômes, ses conséquences (sur tous les plans), etc. D’autres encore ont du mal à distinguer le traumatisme du simple stress (qui fait partie de notre vie quotidienne) alors qu’il y a une différence entre ces deux concepts bien qu’ils aient quelques signes communs. Ainsi, une personne traumatisée est celle qui a vécu une expérience douloureuse traumatisante et qui a connu des modifications comportementales et émotionnelles consécutives à cette expérience. Par contre, une personne stressée est celle dont l’organisme est dans un état de tension aiguë, obligé de mobiliser ses défenses pour faire face à une situation menaçante. Ceci dit donc qu’un certain niveau de stress est normal car, une personne qui se sent menacée réagit de façon naturelle et positive et cherche à se défendre, à se protéger ou à fuir. Le stress est donc un cri d’alarme de l’organisme face à un danger présent à cet instant même. L’événement traumatisant présente naturellement trois caractéristiques à savoir : l’inattendu/l’imprévisible, la gravité et l’impuissance. Souvent, les personnes traumatisées ont besoin d’une aide/assistance des autres pour comprendre et pouvoir surmonter la situation dans laquelle elles se trouvent. Par contre, les personnes sous stress peuvent à elles seules chercher et trouver des voies et techniques pour surmonter leur stress. La guérison du traumatisme prend souvent plusieurs jours et demande plusieurs démarches alors que ce n’est pas le cas pour le stress.
Ladite formation a pour but d’aider les communautés locales à comprendre le phénomène de traumatisme, ses effets sur leur vie pour enfin adopter des attitudes secourables aux personnes qui en sont victimes dans leur entourage. Après cette formation, voici les rôles et responsabilités des participants :
- Pouvoir identifier les personnes traumatisées dans leur communauté
- Ecouter (si possible) et tenter les aider (aide de secours)
- Informer les animateurs psychosociaux (s’il y en a) et les inviter à aider ces personnes
- Orienter les personnes traumatisées vers les conseillers psychosociaux ou vers les Organisations qui prennent en charge les personnes traumatisées
- Aider les familles et les communautés à comprendre qu’une personne traumatisée diffère d’un malade mental
- Aider les familles à comprendre que le traumatisme n’a rien à voir avec l’ensorcellement
- Aider les victimes des Vss (les inviter à se rendre à l’hôpital avant 72 heures à compter de l’heure de l’incident et leur demander de porter plainte si elles connaissent le violeur)
- Sensibiliser les communautés sur comment surmonter le stress.
Conclusion : les histoires réelles racontées par les participants à la formation montrent que le traumatisme psychologique constitue un danger réel pour la communauté burundaise. Ceci s’explique par les crises sociopolitiques incessantes qu’a connues le Burundi et qui ont à leur tour provoqué le déchirement des cœurs et du tissu social des burundais. Les conséquences de ce traumatisme se manifestent sur les plans psychique/mental, physique et socio-économique. Ainsi, les guerres, la perte des personnes chères, les mauvais traitements, les violences sexuelles, la mauvaise gouvernance (dans les familles, au service et au niveau national) sont les principales causes du traumatisme citées par la majorité des participants. La synergie des acteurs travaillant dans ce secteur, l’implication de l’autorité burundaise et de la communauté burundaise en général sont la seule source d’espoir pour les victimes. Le constat est que les burundais ont besoin d’un cadre d’expression où ils peuvent parler de leur vie, de leurs expériences douloureuses vécues dans le passé pour libérer leurs émotions. Avec ce genre de formation, les participants ont l’occasion de parler, d’échanger et de poser des questions en rapport avec les attitudes et les techniques à adopter pour guérir leurs propres blessures intérieures ou les blessures des autres. Bref, une telle formation est à encourager pour aider les burundais à comprendre ce phénomène et à pouvoir identifier les ressources possibles pouvant contribuer à la guérison de ces blessures.
Néanmoins, trouver un cadre d’expression pour que les gens parlent de leurs histoires douloureuses est une chose mais pouvoir gérer les émotions et les réactions qui en découlent en est une autre. Cela constitue souvent un défi pour les psychologues ou les conseillers psychosociaux qui travaillent avec les personnes ou les communautés traumatisées. Partant, avec la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle, les burundais seront invités à parler de la vérité « souvent douloureuse avec possibilité de déclencher à nouveau les blessures ressenties dans le passé» sur ce qui s’est passé et cela va susciter des émotions et des réactions (aussi bien chez les victimes que chez les bourreaux) difficiles à gérer. Ainsi, c’est plus qu’important pour les responsables de ce projet de prendre toutes les précautions nécessaires qui pourront faire avancer les choses.
Anicet Nsabimana
Centre Ubuntu
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