Techniques pour le Théâtre Narratif
Dans chaque théâtre, les acteurs essaient de s’approcher du réalisme de telle façon que l’audience porte à croire que les faits sont réels. Par exemple dans le théâtre épique développé par Bertolt Brecht, l’acteur raconte une histoire plutôt que de s’approprier un rôle. Il communique avec l’audience en présentant un rôle sans se mettre dans le costume de ce rôle.[1]Mais ici tout est préparé, rien n’est improvisé.
Il existe néanmoins des techniques d’improvisation pour un théâtre qui doit se jouer dans un milieu communautaire. Viola Spolin dans son manuel Improvisation for the Theater, affirme qu’on n’a pas besoin d’être un acteur qualifié pour jouer au théâtre communautaire ; pour elle, tout le monde peut être acteur, tout le monde peut improviser.[2] L’expérience vécue ou qu’on peut être en train de vivre enseigne elle-même comment on peut jouer au théâtre improvisé.
Pour le théâtre narratif, l’accent est mis sur l’expérience vécue où l’acteur s’improvise dans un rôle qui reprend les événements et les sujets d’une histoire racontée.
Ainsi quatre étapes sont importantes dans le processus du théâtre narratif : préparation de la communauté, choisir le thème, raconter les histoires et jouer l’histoire la plus significative.
II.1. Préparation de la communauté
Le théâtre narratif se joue dans une communauté bien précise avec un groupe bien ciblé. Voilà pourquoi connaître le lieu, la vie quotidienne des gens, leurs joies et leurs peines est une condition incontournable pour la réussite du théâtre narratif. Il doit aussi y avoir des échanges avec les autorités locales et les leaders communautaires pour mieux connaître l’ambiance psychosociale et socio-politique dans laquelle vivent les gens. Ce sont ces leaders politiques et communautaires qui aident à rassembler les gens qui doivent participer aux animations prévues. Plus il y a un nombre important de gens (pas moins de 60 personnes), plus le théâtre narratif est plus significatif.
Avec l’étude de base faite avec un nombre réduit de gens, on peut déjà connaître les problèmes vécus dans la communauté et avoir une idée sur le thème qui pourrait dominer les autres pour le théâtre narratif.
II.2. Choisir le thème
Le thème à jouer est choisi suivant le problème le plus dominant dans la communauté. L’audience expose une palette de problèmes réels vécus puis choisit celui qui cause le plus de mal dans la communauté.
II.3. Raconter des histoires
Les histoires racontées doivent illustrer le problème principal vécu dans la communauté. Mais une seule histoire doit être retenue pour être jouée d’un bout à l’autre. Il faut que cette histoire se situe dans un contexte spécifique et implique des sujets et des lieux non fictifs c’est-à-dire dans un temps et des circonstances bien précis.
Celui qui raconte une histoire se focalise sur un événement vécu dans la communauté faisant l’objet du théâtre narratif. On n’importe pas une histoire vécue dans une autre communauté pour illustrer le problème de sa propre communauté. Même s’il n’est pas recommandé de nommer les personnages de l’histoire, il faut que le public approuve la réalité de cette histoire.
Yvonne recommande qu’en racontant l’histoire, il faut éviter de juger, de menacer ou d’accuser les gens.[3] Dans tous les cas « il faut éviter que des individus soient blâmés et humiliés. »[4]
Une fois l’histoire racontée, le public participe à la discussion pour confirmer la véracité de l’histoire avant d’être jouée.
II.4. Jouer au théâtre
En jouant au théâtre, les volontaires, parmi les participants, sont les plus privilégiés. Ils sont appelés à jouer spontanément l’histoire racontée. Ils peuvent prendre quelques minutes pour préparer les scènes. Dans leur jeu, ils doivent reproduire à leur manière les actes racontés dans l’histoire communautaire. Les leçons sont tirées par tous les participants après le jeu et après avoir commenté sur ce qu’ils ont vu et appris du théâtre. Les observations communautaires et individuelles aident à mieux recadrer la gravité du problème évoqué et finalement prendre des engagements pour un meilleur avenir communautaire.
[1]Cf. Carlo Scheldwacht, Workshop, Narrative Theatre, Short Report, Amsterdam, 13th and 14th November 2008.
[2]Viola Spolin, Improvisation for the Theater, Northwestern University Press, Illinois, 1963, p.3
[3]Cf. Yvonne, La guérison des communautés par un renforcement du capital social: une approche par le théâtre narratif, 2009, p. 20.
[4]Idem.
- Log in to post comments