Aides aux rapatriés : effet boomerang
Suite aux violences cycliques qui ont secoué le Burundi depuis plusieurs décennies, une partie de la population a fui le pays tandis que l’autre partie est restée dans une peur indescriptible. Ces violences ont eu aussi pour conséquence la paupérisation d’une grande majorité de la population. Ces derniers temps, avec espoir de retrouver un pays calme, beaucoup de personnes ont récemment préféré regagner leur terre natale. Dans le but de les aider à se réinstaller, beaucoup d’organisations, en plus des aides accordées par le gouvernement et le Haut Commissariat aux Réfugiés, se sont approchées de cette catégorie de gens.
Certaines organisations locales et internationales les aident à se prendre en charge à travers les financements de petits projets tandis que d’autres leur accordent des biens matériels dont ceux servant à la construction des maisons. Dans un pays où presque toute la population est pauvre, ces aides créent des problèmes inattendus mais non moins graves. Ceci est de plus en plus fréquent dans certains coins proches des frontières. Grâce aux descentes que le Centre Ubuntu organise auprès de certaines associations, nous avons pu remarquer certains faits :
L’autre fait plus grave est ce problème qui oppose les rapatriés à leurs voisins restés dans le pays malgré la guerre. Ceux-ci se plaignent arguant que toutes les organisations, tous les véhicules qui se rendent dans leur coin ne cherchent que les rapatriés ! « Kuva baje bama bariko bararonka ibintu, ubu baba mu mazu y’amabati natwe abasangwa tutagira n’aho dukika umusaya. Imodoka ziza ng’aha zose ziza zirondera abahungutse, bama bariko bararonka ibifungurwa mbere n’amafaranga barabaha. Ukuntu bafashwe neza nyene, umusi vyasubiriye tuzohungira hanze twese ». (Depuis qu’ils se sont rapatriés, ils sont toujours en train de recevoir des aides, actuellement ils habitent dans des maisons en tôles alors que nous nous n’avons même pas où reposer la tête. Tous les véhicules qui viennent ici cherchent à rencontrer les rapatriés, ils reçoivent toujours des provisions et même de l’argent. A voir la façon dont ils sont traités, si la guerre éclate encore nous allons tous nous réfugier vers l’extérieur du pays ; ainsi lors de notre rapatriement nous pourrions être bien traités !)
Il s’agit ici de propos recueillis à Kayogoro en province Makamba, mais ceci est aussi une réalité dans d’autres coins du Burundi surtout ceux proches des frontières. C’est un fait très grave que les décideurs ne doivent pas négliger. Il faudrait s’imaginer l’aspect psychologique de quelqu’un qui va jusqu’à penser que devenir réfugié est quelque chose de positif (surtout quand il y aura moyen de regagner son pays natal…). Il serait mieux de chercher d’abord à comprendre les réalités sociologiques et économiques des populations avant de prendre la décision de donner des aides. Il est vrai que ces organisations ont leur programme à suivre surtout que les réfugiés et les rapatriés sont partout au monde considérés comme des gens matériellement démunis et psychologiquement fragiles. Cependant, une étude socioéconomique préalable devrait d’abord être faite avant de se rendre dans un endroit quelconque avec l’objectif d’aider une seule catégorie de la population, surtout lorsqu’il s’agit d’un pays pauvre où presque tout le monde a besoin d’être économiquement et psychologiquement soutenu. Peut-être faudrait-il aider tous ceux qui en ont besoin sans distinction afin d’éviter les suspicions. L’autre solution pourrait être de réduire la période durant laquelle les aides sont distribuées et céder la place aux activités qui génèrent des revenus dont ces gens ont besoin. Encourager les rapatriés à faire des associations qui les rapprochent de ceux qui n’ont pas quitté le pays pendant la guerre (ce que fait le Centre Ubuntu) aide toutes les catégories de gens à surmonter les différences, à s’unir et partager les tâches dans l’association.
Véronique BARINDOGO
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