Atelier de présentation des activités réalisées en partenariat avec l’Unicef en 2017-2018: Mot d’ouverture par Fr. Emmanuel NTAKARUTIMANA
CONSOLIDATION DES ACQUIS DE LA PAIX PAR LES THÉÂTRES NARRATIFS AXÉS SUR LES VALEURS D’UBUNTU
- Distingués hauts cadres des différents départements ministériels,
- Distingués représentants de l’Unicef,
- Mesdames et Messieurs les conseillers des Administrateurs communaux,
- Distingués représentants des associations et organisations de la société civile partenaires du Centre Ubuntu,
- Jeunes leaders des associations et clubs accompagnées par le Centre Ubuntu,
- Mesdames et Messieurs les professionnels des médias,
- Distingués invités,
Au nom du Centre Ubuntu, je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue à cette journée de restitution de l’expérience vécue par l’équipe du Centre Ubuntu et ses partenaires dans l’exécution des activités du projet « Consolidation des Acquis de la Paix par les Théâtres Narratifs axés sur les valeurs d’Ubuntu ». Depuis le mois de juin 2014, et dans le cadre des projets du « Peace Building Fund » cogérés par l’État du Burundi et les Nations Unies, le Centre Ubuntu a développé un partenariat fructueux et instructif avec l’Unicef au bénéfice de la jeunesse. L’objectif était de répondre aux besoins des jeunes qui rêvent de réaliser leurs justes espoirs dans cette période de mutations profondes et de renaissance nationale après des moments de crise.
Porter une attention particulière à la situation des jeunes était un choix de très grande importance. En effet, les événements survenus dans notre pays ces dernières décennies ont eu un impact considérable sur la déstructuration du capital social avec une incidence particulière sur la jeunesse. Souvent, ce sont les jeunes qui étaient manipulés ou qui se laissaient entrainer dans les violations des droits humains. Mais aussi, ces jeunes en étaient des victimes. Les conséquences sur eux et sur leurs communautés sont, entre autres,le traumatisme, les comportements et attitudes de violence contre eux-mêmes ou contre leurs communautés, des attitudes de désorientation au niveau des valeurs humaines et sociales. On se souviendra que des recherches faites par l’UNICEF dans le but de comprendre les effets de la violence sur les jeunes ont mis en évidence que des adolescent(e)s aussi jeunes que 10 à 13 ans montraient déjà des signes d’engagement dans les violences politiques[1]. Les jeunes disent qu’ils font face aux défis d’accès à l'éducation et aux soins de santé de qualité, aux défis de chômage, de hausse des produits de consommation, de concurrence pour l’accès aux terres et de la baisse de la fertilité du sol, d'insécurité, du déplacement forcé, des perspectives économiques limitées et de manque de structures de soutien communautaire. A cause de tous ces facteurs, les jeunes perdent espoir et deviennent vulnérables à la violence (Sommers 2013, 2014 Seymour) et à la manipulation. Ces différentes pesanteurs diminuent leurs énergies positives en même temps qu’elles leur font perdre la motivation à participer aux activités constructives pour leurs familles et la société.
Les mêmes recherches ont néanmoins montré que les jeunes aspirent à la paix, à la cohésion sociale et à la prospérité. 50 % de jeunes donnent des propositions positives pour construire une paix plus durable (Vinck, P. 2015) en mentionnant la solidarité communautaire, la réduction de la pauvreté et l’accroissement des moyens d'existence.
Avec un taux net de scolarisation secondaire de seulement 20%[2], une grande partie de jeunes et d’adolescent(e)s burundais n’a pas accès à l'éducation secondaire formelle de qualité pouvant leur faciliter l’employabilité face aux opportunités éventuelles. Les évidences des recherches montrent que les jeunes qui ont abandonné l'école et sans-emplois peuvent recourir à d'autres moyens pour gagner leur vie, notamment la criminalité, l’engagement dans des groupes armés, ou la prostitution. Il est donc stratégiquement incontournable de pouvoir s’occuper de la jeunesse.
La synergie entre le Centre Ubuntu et ses partenaires permet aujourd’hui de contribuer à prendre en mains la problématique de l’avenir de la nation en travaillant avec la composante jeunesse. Son investissement touche le monde rural, mais pas seulement. Pour ce qui concerne les jeunes réunis dans des clubs ubuntu des écoles secondaires, les recherches menées par le CENTRE UBUNTU et qui ont été consignées dans un Manuel sur les Valeurs qui est dorénavant devenu outil de travail des Clubs d’Ubuntu, montrent que ces jeunes, malgré leur créativité et vigueur, sont en proie aux conséquences de la guerre civile au Burundi, à la mondialisation des antivaleurs, à la crise des repères sociaux, à la croissance mal connue et mal canalisée par beaucoup de responsables et d’encadreurs dans leurs écoles. Ces recherches relèvent également une série d’antivaleurs qui se généralisent dans les écoles secondaires. Les responsables des écoles se retrouvent débordés par des comportements problématiques et traumatiques liés à l’enracinement de ces antivaleurs et aux traumatismes mal gérées des élèves et des enseignants. Ces responsables sollicitent de plus en plus le CENTRE UBUNTU à intervenir non seulement pour appuyer un processus de guérison, mais aussi pour faire un travail de prévention par la multiplication des clubs Ubuntu.
Dans cette entreprise qui voudrait renforcer la confiance des jeunes dans leur avenir, le Centre Ubuntu coopère avec l’administration à la base, les responsables de l’éducation dans les écoles ciblées, les jeunes eux-mêmes, les leaders communautaires, les ministères impliqués dans la question de la jeunesse, les leaders religieux et d’autres partenaires civils qui œuvrent pour la même cause.
Du point de vue du genre et sa dimension d’équité, la population cible est constituée à 50% par les filles et 50% par les garçons. Nous en sommes témoins, ceci aide spécifiquement les jeunes filles à s’exprimer librement, à travailler pour leur propre autonomisation et à gagner le respect dans leurs communautés. Notre souhait est de voir une option de ce type contribuer à réduire les violences basées sur le genre.
Pour répondre aux défis identifiés dans les communautés et dans la catégorie des jeunes,le Centre Ubuntu a eu recours à 8 stratégies :
- Les animations psychosociales par le théâtre narratif. Par cette stratégie qui est fondamentalement pratique, simple et vivante on invite les participants, avec des échanges-débats, à prendre conscience de leurs problèmes psychologiques, comportementaux et sociaux dans le but de chercher eux-mêmes des solutions y relatives à travers une négociation communautaire.
- La formation sur les compétences de vie courante (CVC) : Celle-ci consiste à éveiller et développer des « aptitudes psychosociales et des qualités humaines qui permettent aux individus de réfléchir et de se comporter de manière constructive envers eux-mêmes et dans leurs rapports avec les autres pour parvenir à mener une vie de qualité avec les autres membres de la société »[3]
- La formation sur les valeurs d’ubuntu : Par cette formation, on réveille la conscience des bénéficiaires pour qu’ils consolident des relations interpersonnelles basées sur les valeurs d’Ubuntu. Le concept « Ubuntu » doit être compris dans un sens large où il signifie en même temps l’humanisme, la bonté, la compassion, la clémence, la sagesse agissante, la mansuétude, la générosité à pardonner, la pitié humaine, l’amabilité, la communicabilité humaine…[4].
- La formation sur la gestion des traumatismes : Celle-ci consiste à éveiller l’esprit sur les symptômes des traumatismes pour une prise de conscience des déviations du jugement et du bon sens, des cas d’addiction, de l’existence des souvenirs récurrents et intrusifs, des aberrations psychosociales. Les jeunes doivent progressivement pouvoir identifier et être proches des gens qui vivent des troubles internes comme la dépression, les sentiments de perte de contact avec soi, les angoisses, ceux qui vivent des évitements externes comme la peur des autres, la phobie ou la honte.
- La formation surla résolution pacifique des conflits : le Centre Ubuntu entend aider les jeunes à comprendre l’origine et la signification des conflits pour qu’ils soient capables d’y apporter une solution sans recourir à la violence, et surtout de se construire des stratégies de prévention.
- La formation sur le leadership participatif basé sur les valeurs d’ubuntu : les jeunes formés sont sensibilisés aux valeurs du leadership pour qu’ils puissent être de bons leaders communautaires. Les jeunes formés apprennent qu’avec le leadership marqué par les valeurs d’Ubuntu, les leaders et les sujets ont chacun des devoirs et des droits.
- La formation surla communication non violente : Les jeunes sont amenés à comprendre l’importance de bien écouter avant d’agir, en privilégiant la compréhension. Les bénéficiaires comprennent aussi la différence entre les réponses passives, les réponses agressives et les réponses fermes. Ils réfléchissent sur la manière de parler efficacement à quelqu’un avec qui on a un problème et à gérer une négociation communautaire.
- La formation sur l’organisation des initiatives d’entraide et de solidarité sous le modèle Vicoba : Il s’agit d’un modèle d’épargne et de crédit qui permet aux jeunes de se rencontrer souvent malgré leurs différends et qui les ouvrent aux initiatives de développement. Ils peuvent ainsi s’auto-prendre en charge sans recourir aux voies nocives ni aux manipulations politiciennes dues au manque de ressources économiques.
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
A l’occasion de cette journée donnant l’écho du travail accompli sur les 6 derniers mois, je voudrais exprimer notre sentiment de gratitude à l’endroit de l’Unicef. Le Centre Ubuntu et le Fonds des Nations pour l’Enfance ont développé un partenariat fécond depuis 2014. Dans un climat de concertation permanente, nous avons vécu le partenariat comme une expérience d’apprentissage commun et de structuration d’une communauté de réflexion et d’action au bénéfice de la jeunesse de notre pays.
Je voudrais aussi adresser nos remerciements aux gestionnaires du « Peace Building Fund ». La concertation régulière avec ses représentants au Burundi et les visites de terrain durant l’exécution de le projet étaient toujours des moments utiles et féconds pour affiner la pertinence des interventions à travers un suivi averti et cohérent.
Dans ce cadre de remerciements, je pense aussi aux départements ministériels avec lesquels nous sommes en synergie pour le suivi de la mise en œuvre des axes d’intervention. Nous pensons en particulier au Ministère de l’intérieur, de la formation patriotique et du développement local avec les différentes administrations provinciales, communales et collinaires avec lesquelles la bonne collaboration facilitait l’atteinte de bons résultats. Je voudrais ici me tourner vers les administrations provinciales dans les provinces où nous avons travaillé, et remercier en particulier les Administrateurs des communes de Bugendana, Bugenyuzi, Buhiga, Busiga, Gashikanwa, Gatara, Kayogoro, Kibago, Itaba, Mabanda, Makebuko, Matongo, Nyanza-Lac, Ruhororo et Rumonge. Leur collaboration empreinte de cordialité a toujours facilité l’exécution des différentes activités et leur appui pour la mobilisation de la population a toujours été très bien apprécié.
Nous exprimons aussi notre gratitude au Ministère des Affaires Etrangères, au Ministère des Droits de l’Homme, des affaires sociales et du Genre, au Ministère des Finances, du Budget, et de la Coopération au Développement Economique, au Ministère de la jeunesse, des Postes, et des technologies de l’information, au Ministère de la Justice, de la Protection civique et Garde des Sceaux. La synergie de vision avec ces ministères permettait de l’harmonisation des avancées intégrées. Des délégués de ces ministères organisent régulièrement des visites de terrain dont certaines sont conjointes avec l’Unicef et le Centre Ubuntu pour faire l’appréciation de la mise en œuvre des ambitions qui ont inspiré la convention entre le « Peace Building Fund » et le Gouvernement du Burundi. C’est toujours des moments d’apprentissage et d’ajustement de la bonne conduite du travail au bénéfice de la population.
Nous voulons aussi exprimer nos remerciements aux différentes directions des médias du Burundi qui portent à l’opinion nationale et internationale les leçons de l’exécution de ce projet de consolidation des acquis de la paix par la restauration de la base des valeurs, le renforcement des compétence pour la vie et la mobilisation des ressources locales pour le développement.
Nous ne saurions ne pas aussi exprimer nos remerciements aux organisations de la société civile partenaires du Centre Ubuntu dans ce projet comme dans d’autres projets. Leur collaboration instructive a eu des incidences sur notre façon d’affiner et mieux exécuter ce projet que nous venons de clôturer. Nous espérons continuer à développer notre partenariat avec eux et à bénéficier de leur expertise.
Avant de terminer, je voudrais remercier les animateurs des associations des jeunes ici représentées et les leaders des clubs ubuntu dans les écoles. C’est avec eux que nous avons déployé nos énergies pour tenter de réaliser les justes espoirs de ces jeunes qui ont droit à un avenir épanouissant et sécurisant afin que tous puissent développer de bonnes perspectives familiales, sociales et professionnelles.
Distingués invités, chers fils et filles de notre peuple, nous devons rester engagés sur le grand chantier de renaissance de notre nation. Nous devons continuer à développer des synergies qui puissent apporter un saut qualitatif aux standards de vie de notre peuple.
C’est sur ces mots d’espoir et d’appel au courage du futur que je déclare ouvert cet atelier de présentation de l’expérience du Centre Ubuntu sur la consolidation des acquis de la paix par le théâtre narratif axé sur les valeurs d’Ubuntu, expérience vécue en collaboration avec l’Unicef et dans le cadre du Programme « Peace Building Fund ».
Je vous remercie.
[1]Seymour, Claudia. 2013. “Resilience Profiling and Capacities for Peace Among Adolescents in Burundi”.
[2]UNICEF, Burundi At A Glance 2014, version 07-06-2014, quoting annual enrolment rate 2011-2012
[3]Richard Mabala et Alii, Compétences de Vie Courante, Guide de formation des jeunes animateurs communautaires, Unicef-Burundi, p.6
[4]Cf. KAYOYA Michel, Sur les Traces de mon Père, 1971, p. 8 (le sens a été donné par Rodegem dans son « Dictionnaire Rundi »).
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