LA CULTURE DU DIALOGUE COMME PILIER D’UNE SOCIETE STABLE ET RECONCILIEE

Du 19 au 20 décembre 2013 s’est tenu à Bujumbura, dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale à Kigobe, un « atelier d’échange sur le projet de loi portant révision de certaines dispositions de la Constitution de le République du Burundi. » Cet atelier avait été organisé par l’Assemblée Nationale du Burundi pour les concertations larges et inclusives en vue d’accueillir les avis et considérations sur le projet de loi en question. Cet atelier a vu la participation des différents représentants des composantes de la société burundaise : les représentants de tous les partis politiques agréés au Burundi, les représentants des confessions religieuses et de la société civile, les représentants du Gouvernement et des deux chambres du Parlement burundais, le corps diplomatique, les medias et quelques observateurs.

Bien que l’enjeu ultime visât la révision de certaines dispositions de la Constitution, l’esprit de cet atelier était aussi la consolidation de la valeur du dialogue entre Burundais. En effet, au moment où certains Burundais menaçaient de descendre dans les rues si la Constitution était révisée sans consultations inclusives, et où les autres avaient peur d’une éventuelle violente répression, cet atelier a atténué les ardeurs des uns et des autres.

A partir de cette expérience, il s’est révélé que la culture du dialogue est un pilier incontournable pour bâtir une société stable, d’où nous sommes portés à revisiter certains éléments constitutifs du dialogue sincère dans un contexte socio-politique comme celui du Burundi.

Dialogue entre le « Je » et le « Tu »

Dans une société caractérisée par les valeurs d’Ubuntu et dans un contexte du pluralisme socio-politique comme celui du Burundi, le dialogue sincère va au-delà des monologues parallèles ou du dialogue simplement technique. Il exige le face à face d’un « Je » et d’un « Tu ». Le Tu est respecté, accueilli, et on lui laisse l’espace nécessaire à son identité, à son expression propre et à ses valeurs. Le philosophe français Robert Misrahi affirme que « le Tu constitue le Je comme personne, l’autre devient la condition d’existence du moi se posant dès lors comme sujet. » Le dialogue entre le « Je » et le « Tu » est un dialogue de la vie, c’est-à-dire un dialogue continuel où le « Je » a toujours besoin du « Tu » et vice-versa. Ce dialogue de la vie ouvre à celui des œuvres et de la collaboration. Le « Je » et le « Tu », dans leur pluralité socio-politique, doivent collaborer pour construire une histoire pacifiée ayant non seulement des intérêts politiques communs, mais aussi des intérêts économiques collectifs et la promotion des droits humains.

Dialogue, au-delà de l’humiliation

S’engager dans un dialogue sincère n’est jamais un signe de l’humiliation. Le « Je » ne perd rien de sa personnalité en dialoguant avec le « Tu ».

Dans l’histoire des Croyants, nous voyons le Dieu d’Israël s’engager dans un dialogue permanent avec le peuple Juif. Depuis la création du premier homme et à travers l’alliance et l’enseignement des prophètes jusqu’à l’incarnation, Dieu n’a cessé d’entretenir une relation de dialogue avec son peuple. Dieu pouvait tout décider seul et conduire les Israélites selon son bon plaisir. Mais il a préféré composer et cheminer avec l’humanité pour mieux construire une nation libre, noble et paisible. Ce dialogue entre Dieu et les êtres humains n’a rien enlevé de sa divinité. Il a plutôt révélé et confirmé son humilité, sa noblesse et son respect envers l’humanité.

En s’engageant dans un dialogue sincère avec l’autre, non seulement on démontre par-là que l’autre n’est pas une chose, un « cela », mais un sujet relationnel qui mérite respect et attention, mais aussi on devient plus humain et plus noble. On démontre qu’on est soi-même une personne digne de respect et d’admiration.

Fruits du dialogue sincère

Le dialogue sincère est une opération créatrice ; il fait surgir ce que l’on est soi-même et ce que l’autre incarne comme sujet. L’un apprend de l’autre et les préjugés se révèlent souvent non-fondés. C’est par un dialogue sincère que l’on peut aspirer non seulement à une société stable mais aussi au changement : un changement d’esprit qui s’affirme par le changement de discours agressifs en discours paisibles, un changement des mentalités qui s’actualise par le changement du système socio-politique pour l’intérêt supérieur de la nation.

Les Burundais gagneraient beaucoup si la culture du dialogue sincère devenait leur cheval de bataille. Les suspicions mutuelles qui caractérisent souvent les sphères politiques burundaises ont nécessairement besoin de ce dialogue. Un dialogue où toutes les parties sortent vainqueurs à la grande satisfaction de toutes les composantes de la société burundaise.

 

                                                                                                                                                                                                                     Bigirimana Jean-Népo

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