Menottes ou Écoute ? Convocation ou Communication ? Le Dilemme d’un Chef de Zone Face à la Prévention du Suicide.

Témoignage recueilli dans le cadre du projet "WIHORA IKI ?" du CENTRE UBUNTU en partenariat avec la Coopération Suisse.

Derrière chaque tentative de suicide, il y a une souffrance, un drame. Mais aussi, parfois, un crime, une agression, une violation des droits humains, une non-assistance à personne en danger.
Comment ne pas appliquer la loi lorsque la situation a dégénéré au point qu’un individu veuille mettre fin à ses jours ?
Comment ne pas punir ceux qui, par leurs actes ou leur négligence, ont conduit un être humain à ce désespoir ?

Mais en face, il y a une autre réalité, une autre approche. On sait aujourd’hui que le suicide ne se combat pas par la répression, mais par la prévention, par l’écoute, par la reconstruction des liens brisés.

C’est ce dilemme que vit au quotidien un chef de zone une autorité locale investie de pouvoirs légaux tout en étant aussi un assistant psychosocial - UMUREMESHAMITIMA dans le cadre du projet "WIHORA IKI ?".

 Les outils du chef de zone : Convocation ou Communication ? Menottes ou Écoute ?

En tant qu’autorité administrative, il a le pouvoir de :

  • Émettre des convocations officielles.
  • Dépêcher des policiers pour intervenir.
  • Faire arrêteret sanctionner ceux qui portent atteinte à la sécurité et à la dignité d’autrui.
  • Appliquer les lois et règlements pour maintenir l’ordre.

Mais en tant qu’assistant psychosocial - UMUREMESHAMITIMA, il a aussi d’autres outils :

  • L’écoute empathique.
  • La communication non violente.
  • La résolution pacifique des conflits.
  • L’accompagnement psychosocial pour aider à reconstruire ceux qui souffrent.

Quel outil déployer ?
Faut-il agir en chef de zone et sanctionner ?
Ou agir en UMUREMESHAMITIMA et reconstruire ?
Les deux approches sont-elles incompatibles ?

Un cas concret : Quand la loi ne suffit pas

Il y a quelques mois, dans sa zone, une jeune femme de 22 ans a tenté de se suicider. Son mari étant parti travailler dans une autre province, elle s’est retrouvée harcelée par sa belle-famille, traitée comme une étrangère, rejetée, humiliée.

  • Lorsqu’il a été informé du drame, son premier réflexe d’autorité aurait été de sanctionner :
  • Faire arrêter les responsables du harcèlement.
  • Faire appliquer la loi sur les violences psychologiques.
  • Rédiger des convocations et envoyer des policiers.

Mais il s’est souvenu des formations reçues grâce au Centre Ubuntu.

Il a fait un choix différent.

Plutôt que d’arriver avec des menottes, il est arrivé avec de l’écoute.
Plutôt que de poser une convocation, il a engagé un dialogue.
Plutôt que de séparer et punir, il a réparé et réconcilié.

Pendant des semaines, il a travaillé à réinstaller la confiance, à faciliter la communication entre la jeune femme et sa belle-famille, à rouvrir des liens brisés.

Et aujourd’hui, cette jeune femme est vivante.
Pas grâce aux menottes, mais grâce à l’écoute.

Le suivi des formations : Une révélation pour le chef de zone

Cette prise de conscience s'est renforcée lors du suivi des formations organisées par le Centre Ubuntu. En revisitant les modules qu’il avait suivis, il a mesuré l’importance des outils qu’il avait acquis et surtout le vide laissé chez ceux qui n’ont pas eu cette opportunité.

  • Gestion des traumatismes: Comprendre l’impact psychologique des crises et savoir comment réagir.
  • Écoute empathique: Offrir une oreille attentive avant d’imposer une décision.
  • Communication non violente: Transformer le dialogue en solution.
  • Résolution pacifique des conflits: Désamorcer avant que la situation ne dégénère.
  • Code des Personnes et de la Famille: Encadrer les décisions en s’appuyant sur les bases légales tout en préservant le lien social.

Face à ces enseignements, il ne peut s’empêcher d’admirer l’humilité qu’il faut pour reconnaître ses propres limites.

"Nous sommes nommés à des postes de grande responsabilité, mais avons-nous réellement les outils nécessaires pour bien les assumer ?"

Cette formation lui a ouvert les yeux : chaque leader local devrait avoir accès à ces connaissances. Ces modules ne devraient pas être une exception, mais un passage obligatoire pour quiconque porte la charge de diriger, protéger et intervenir dans la communauté.

Il comprend désormais que ces deux approches sont complémentaires:

  • Quand la situation l’exige, il sait utiliser son pouvoir légal.
  •  Mais il sait aussi que la force de l’Ubuntu peut, parfois, désamorcer des crises avant qu’elles ne dégénèrent.

 Conclusion : Un Pouvoir Qui Se Doit d’être Équilibré

Une autorité qui écoute est une autorité plus efficace.
Punir ne résout pas tout, comprendre et reconstruire est souvent plus puissant.

Grâce au projet "WIHORA IKI ?", ce chef de zone a appris que le pouvoir ne se mesure pas seulement à la capacité d’imposer la loi, mais aussi à celle d’apaiser et de restaurer.

Il en est désormais convaincu :
La vraie force d’un leader, c’est de savoir quand user de son pouvoir légal, et quand laisser parler l’humanité.

Et si chaque autorité locale adoptait cette double approche, combien de vies pourraient être sauvées avant même qu’elles ne sombrent dans le désespoir ?

Pour en savoir plus sur le projet "WIHORA IKI ?" et découvrir comment le Centre Ubuntu transforme les méthodes de prévention du suicide, visitez : centre-ubuntu.bi

 Une convocation ou un dialogue ? Une sanction ou une réparation ? Un mur ou un pont ?
La réponse est parfois entre les deux.

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