Processus de paix et de réconciliation entre la jeunesse : Vers une effective réconciliation des communautés divisées

Nombreux programmes de jeunes dans le monde attribuent à la jeunesse un statut social faible.  Dans beaucoup de cas, la relation des  jeunes avec la société est très réduite à quelques programmes d’éducation formelle. Dans plusieurs sociétés, la jeunesse est généralement décrite comme manquant d’expérience. Cela crée en effet des frustrations chez ce groupe, ce qui conduit à des conflits intergénérationnels qui finissent souvent par s’éclater ou créer des situations de tensions difficiles à gérer par la communauté.  Une telle perception empêche d’ailleurs les jeunes d’avoir confiance en eux-mêmes comme acteurs importants dans la construction d’une société. Pendant longtemps, le rôle des jeunes  comme artisans de paix n'a pas été promu comme il se doit. Cependant, cette compréhension erronée du rôle des jeunes dans la communauté commence timidement à changer. Comme l'accent mis sur ​​la contribution de la jeunesse commence à  être renouvelé, il mérite aussi d’être accompagné par la reconnaissance de la façon dont ils sont essentiels dans la consolidation de la paix. L’image prédominante de la jeunesse est la violence. Cela sert souvent de justification pour l'utilisation des jeunes comme groupe violent. Comme remède ou solution palliatif, voir les jeunes comme agents de la paix contesterait ces images traditionnelles de la jeunesse comme incarnation de la guerre ou de la violence.

Par opposition à la considération de la  jeunesse comme une période de la vie où le comportement violent est quelque chose à être canalisé et contrôlé, il est évident qu'il existe une grande nécessité de conceptualisation des qualités de la jeunesse dans un processus plus large de transformation des conflits et de consolidation de la paix. Les jeunes devraient en effet être considérés comme un élément essentiel de ces acteurs qui tentent de trouver des solutions et qui  fait face aux multiples défis de la consolidation de la paix. Théoriser sur la jeunesse et la paix et les programmes ciblant les jeunes comme agents de consolidation de la paix, restent des aspects sous-développés du domaine de l'éducation à la paix. Encore une fois, de nombreux programmes se situent quelque part au milieu de ce spectre.

  1. Quel rôle doit-il être joué par les jeunes dans la communauté?

Les programmes qui mettent l'accent principalement à la vie interne des jeunes gens se concentrent sur l'engagement au niveau de l'identité personnelle, traduisant la transformation interne dans des schémas de comportement favorables à la paix et à l'unité. En règle générale, ces programmes devraient impliquer directement les jeunes et les inciter à réfléchir sur eux-mêmes, en cherchant le changement dans leur environnement social, tels que leurs relations personnelles, les écoles et les familles. À l'autre extrémité se trouvent les programmes qui mettent l'accent sur la place des jeunes dans la société et les types d'activités sociales dans lesquelles ils sont engagés. Un des objectifs de ces programmes devrait être d'offrir davantage des possibilités pour les jeunes d'élargir leurs engagements dans la vie sociale et publique, que ce soit à travers des projets de contribution pour l'amélioration de la société, en participant à des programmes de formation des clubs ou groupes de solidarité mutuelle qui ont des objectifs sociaux. Ces dits objectifs devraient aussi en effet contenir des programmes qui leur accordent l'accès aux institutions sociales. Les défis et les expériences dans ces tentatives de développement des capacités des jeunes sont discutés ci-dessous à base des expériences concrètes de terrain grâce aux interventions du Centre Ubuntu, une institution sensible aux questions de paix et de cohésion sociale entre les personnes de différentes catégories en général et des groupes sociaux des jeunes en particulier.

  1. Processus de paix chez la jeunesse burundaise.

Depuis plusieurs décennies, le Burundi a été confrontée à différentes crises qui ont conduit à de graves divisions entre les Burundais. Ces divisions se sont développées dans des conflits politiques, ethniques et régionales. En particulier, les tensions ethniques combinées avec des luttes de pouvoir ont radicalisé les relations entre les deux principaux groupes sociaux au Burundi. La conséquence de ce phénomène est la mort, la perte de propriétés et de l'exil. Les conflits de long terme ont toujours affectés ou impliqués les jeunes à bien des égards. Certains d’entre eux ont été des victimes directes des atrocités tandis que d'autres ont été traumatisés, devenus orphelins, déplacés de l’intérieur du pays, réfugiés ou ont été forcés de prendre part à la violence. Mais surtout, les conflits ont détruit le tissu social et ont divisé les communautés alors que les jeunes constituent une majorité écrasante de la population burundaise. Aujourd'hui, le Burundi souffre encore de ce passé que personne n'a jamais traité. La nécessité d'aborder le passé et de promouvoir la paix et la réconciliation en mettant au centre la jeunesse est évidente partout dans la société burundaise.

  1. La recherche des solutions aux problèmes des jeunes par les acteurs de la paix.

Bien que la réconciliation entre les différents groupes sociaux soit recherchée par les acteurs de la paix, le chemin reste encore trop long. Pourtant, il y a une lueur d’espoir. Le succès de la réconciliation dépendra de la façon inclusive des différents groupes sociaux y compris surtout les jeunes. Déjà, certaines initiatives de réconciliation ont été entreprises. Par exemple, les exilés ont été rapatriés et les projets de développement sont mis en œuvre afin de guérir les communautés brisées. Les indicateurs montrent que les Burundais peuvent bien cohabiter et vivre en harmonie. Ils ont juste besoin d'être soutenus dans chaque étape. Le Centre Ubuntu,  est un acteur important dans la promotion de la paix et le soutien psychosocial des communautés brisées. Son objectif est de renforcer la solidarité, la cohésion et de promouvoir la réconciliation entre les communautés dans différentes régions du Burundi.

Le Centre Ubuntu est en train d'exécuter un projet de consolidation de la paix pour la jeunesse grâce à une approche centrée sur le développement des valeurs d’Ubuntu dans 8provinces du pays (Makamba, Bururi, Rumonge, Rutana, Gitega, Karusi, Ngozi, kayanza). Il contribue largement aux efforts visant à transformer les relations entre les jeunes des groupes sociaux différents (les rapatriés, les résidents, déplacés, jeunes des collines,…). Ceci est possible grâce à la promotion des activités collectives telles que l’agriculture, l’élevage, le commerce, les petits métiers, les visites et les séances de dialogue. D'autres activités incluent par exemple l'animation psychosociale dans les communautés afin d’identifier les vrais problèmes auxquels les  jeunes sont confrontés. Le but du Centre Ubuntu est d'aider ces jeunes à avoir une même lecture des causes de leurs différends afin d’atteindre une compréhension mutuelle et apprendre à résoudre les problèmes soient-disant identitaires et socio-économiques d'une manière pacifique.

Le Centre Ubuntu organise également des formations afin de développer les capacités et d'améliorer la connaissance de la jeunesse. Certains des thèmes abordés sont : les valeurs d’Ubuntu, le maintien de la paix par la gestion pacifique des conflits, le leadership et la gouvernance participative, la gestion des traumatismes, le développement et autonomisation.  Il développe aussi un programme de suivi individuel pour les personnes traumatisées. Les perspectives d’avenir du Centre Ubuntu dans un futur proche repose sur le renforcement des capacités des jeunes sur les compétences de vie courante, la chaîne de solidarité (la microfinance, les petites initiatives d’entraide et de solidarité mutuelle). Le programme développé par le Centre Ubuntu avec les jeunes a été un facteur clé dans la promotion de la réconciliation entre les groupes de jeunes pris comme relais communautaires dans l’éducation à la paix et au développement.

  1. Quelques-unes des histoires de changement racontées par les jeunes bénéficiaires du Centre Ubuntu:

Nyanza-Lac- Nyabigina, Didier : Moi, je suis rapatrié, j’avais des problèmes liés aux conflits fonciers avec un jeune résident. Comme j’allais aider mes parents dans les champs, un jour une famille des résidents est venue nous empêcher de travailler car on nous avait donné leur propriété. Les gens sont venus pour arrêter nos conflits. Mais moi et ce jeune, c’était le début de notre haine. Chaque fois qu’on se  rencontrait, c’était une bagarre. Après un certain temps, le Centre Ubuntu est venu travailler avec les jeunes, j’ai eu la chance d’être formé avec le jeune qui était en conflits avec moi. Beaucoup de thèmes intéressants ont été développés. Petit à petit, les jeunes ont initié un  projet commun, y compris moi et mon ennemi. Avec les activités de développement réalisées ensemble, nous avons opté à nous réconcilier. Nous nous sommes donnés le pardon l’un et l’autre, maintenant nous sommes de vrais amis.

Karusi- Buhiga, Innocent : Moi, avant la venue du Centre Ubuntu, j’étais discriminé parce que j’appartiens à l’ethnie des ‘’BATWA’’. Je ne pouvais pas m’asseoir ni  saluer les hutu et les tutsi. Quand j’ai eu la chance d’adhérer à l’association des jeunes, ils m’ont accueilli fraternellement, j’ai senti une certaine considération, et j’ai commencé à fréquenter les jeunes des camps des déplacés, aujourd’hui, ils sont devenus mes amis. On se rencontre régulièrement dans les réunions et cela crée une très bonne ambiance.

 Rumonge – Buzimba, Alice : Nous avons été rapatriés de la Tanzanie là où nous avions fui avec mes parents. A notre arrivée, on nous a installés à Buzimba dans la commune Rumonge. Mes parents avaient une propriété foncière a  Vyanda que d’autres avaient déjà occupé. Mes parents ont usé de tout leur moyens pour être rétablis dans leurs droit et retrouver la parcelle occupée, et ce fut une longue série de conflits. A ce moment le projet de Centre Ubuntu commence à s’établir dans notre région pour conscientiser les jeunes  sur la paix et la réconciliation entre les rapatriés et les résidents. J’ai eu la chance de faire partie des quinze premiers participants à cette formation. La formation me fut très bénéfique dans ma transformation et celle de mes parents pour arrêter les conflits avec ceux qui ont pris notre parcelle. Aujourd’hui nous vivons en bonne cohabitation avec les résidents car nous avons partagé la parcelle en deux parties égales.

Ngozi- Ruhororo, Marianne : Je suis une fille déscolarisée. Avant que j’adhère à cette association, je vivais loin dans la campagne, je ne savais rien des associations des jeunes. Avec l’intervention du Centre Ubuntu, j’ai été associée  aux autres  jeunes du site. On a travaillé ensemble. Par après, j’ai été étonnée par le fait que j’ai été élue pour représenter l’association alors que beaucoup d’entre eux sont des Tutsi du Site. Si j’essaie de vous parler honnêtement, avant je haïssais les gens venant du camp des déplacés. Petit à petit, avec les formations et le projet commun d’élevage des chèvres, je me sens comme une sœur avec eux, on partage tout, on se visite. Avec eux, je me sens valorisée et cela me donne l’espoir que la paix pourra dépendre de nous et se répandre dans tout le pays.

  1. Conclusion

Le succès du Centre Ubuntu à briser les barrières entre les jeunes de différentes communautés est un encouragement à la promotion de la  consolidation de la paix et de la réconciliation par la jeune génération. Il y a une reconnaissance croissante du rôle essentiel joué par les jeunes dans la paix. Cela est déjà manifesté par le succès des programmes liés à la jeunesse dans leurs communautés de base. Les efforts visant à soutenir les jeunes désireux de construire la paix devraient être fortement soutenus. Le défi est maintenant d'être en mesure de mobiliser l’énergie, la créativité, et la vision de la jeunesse à la poursuite de la paix d'une manière positive et réussie.

Antoinette IRARERA
Centre Ubuntu

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