ETHIQUE POLITIQUE, ENJEUX MORAUX ET SPIRITUALITE

Initiatives et Changement International, Caux Café politique : POLITIQUE ET SPIRITUALITE,  Hôtel Novotel de Bujumbura

 Dans sa lettre encyclique du 29 Juin 2009 sur le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité, le Pape Benoît XVI réfléchit sérieusement sur la crise économique qui a frappé le monde ces dernières années, une crise qui n’est pas d’abord économique, mais une crise de la pensée et de la culture au sens plénier du terme. Reprenant des inquiétudes déjà exprimées par le Pape Paul VI en 1967, Benoît XVI affirme en 2009 que « parmi les causes du sous-développement, il y a un manque de sagesse, de réflexion, de pensée capable de réaliser une synthèse directrice, pour laquelle une claire vision de tous les aspects économiques, sociaux, culturels et spirituels est exigée »[1]. Cela touche autant les pays riches que les pays pauvres, sauf que les conséquences sont de loin beaucoup plus dramatiques dans les pays fragiles comme les nôtres.

 

On m’a demandé de vous proposer un pré-texte à vos propres réflexions portant sur le lien nécessaire entre système de gouvernance de la cité, lois éthiques et spiritualité. J’ai un peu hésité car il s’agit de questions fondamentales qui engagent une démarche de réflexion de fond qui demanderaient beaucoup plus de temps que celui dont je disposais. Je vais tenter de donner quelques éléments de réflexion en quatre points :

a)      J’évoquerai d’abord la situation des pays riches, car la situation éthique y pose problème et nous touche par effet d’entraînement.

b)      Je parlerai ensuite de la situation de nos pays où les fragilités nées de la pauvreté et du potentiel ambiant de violence développent des réflexes de sauve-qui-peut en dehors de tout repère moral.

c)      Face à cette situation, l’inflation du religieux et du spirituel surgit comme phénomène naturel avec de nouveaux mouvements religieux se développant comme des champignons. Ce phénomène demande néanmoins qu’on développe une certaine vigilance pour rester averti face à l’ambivalence du religieux en contexte de crise.  Ce sera mon troisième point.

d)      Je terminerai en revenant sur la nécessité de renforcer le lien entre l’organisation politique, le renforcement de la base éthique et la croissance spirituelle comme harmoniques intégrateurs.

  1. Pays riches : La dictature du marché et le déficit de la pensée.

Une erreur pernicieuse a subrepticement envahi l’univers de la pensée occidentale en faisant croire à l’homme moderne « qu’il est le seul auteur de lui-même, de sa vie et de la société.(…) La conviction d’être autosuffisant et d’être capable d’éliminer le mal présent dans l’histoire uniquement par sa seule action a poussé l’homme à faire coïncider le bonheur et le salut avec des formes immanentes de bien-être matériel et d’action sociale. De plus, la conviction de l’exigence d’autonomie de l’économie, qui ne doit pas tolérer « d’influences » de caractère moral, a conduit l’homme à abuser de l’instrument économique, y compris de façon destructrice. A la longue, ces convictions ont conduit à des systèmes économiques sociaux et politiques qui ont foulé aux pieds la liberté de la personne et des corps sociaux et qui, précisément pour cette raison, n’ont pas été en mesure d’assurer la justice qu’ils promettaient »[2]. Le marché est devenu la norme ultime.

Cette dictature du marché s’enracinait dans un déficit de la pensée ! Cette constatation n’est pas neuve. Benoît XVI ne fait que répéter l’avertissement que lançait Paul VI le 26 Mars 1967 dans sa Lettre Encyclique « Populorum Progressio » où il disait : « Le monde est en malaise faute de pensée »[3]. C’est ici que Benoît XVI insiste alors de façon particulière sur la catégorie de la relation. « Il faut qu’il y ait un renouveau de la pensée pour mieux comprendre ce qu’implique le fait que nous formons une famille : les échanges entre les peuples de la planète exigent un tel renouveau, afin que l’intégration puisse se réaliser sous le signe de la solidarité plutôt que de la marginalisation. Une telle pensée nous oblige à approfondir de manière critique et sur le plan des valeurs la catégorie de la relation. Un tel effort ne peut être mené par les seules sciences sociales, car il requiert l’apport des savoirs tels que la métaphysique et la théologie, pour comprendre de façon éclairée la dignité transcendante de l’homme »[4]. Plus fondamentalement encore, le pape trouve que la crise a résulté de courants qui ont dominé le monde et qui se sont désintéressé de la question du « pourquoi » pour s’émerveiller devant le « comment » qui a permis des développements technologiques spectaculaires, faisant coïncider le vrai avec le faisable. La question du sens étant ainsi écartée, la question de la mise en place d’un ordre social conforme à l’ordre moral tombait dans l’insignifiance. Le lien entre la sphère morale et la sphère sociale s’est distendu. La connexion entre l’ordre moral, la sphère économique et l’organisation de la cité n’avait plus de régulateur. Cela est particulièrement vrai pour les pays occidentaux et les lobbies qui leur sont connectés.

Le postulat qui avait fait croire que le principe de l’intérêt privé couplé à l’idée de choix rationnel devaient inéluctablement assurer la croissance économique et le développement vient de manifester sa fragilité en étalant au grand jour le fait que l’accumulation d’une richesse, souvent artificielle, pour ceux qui peuvent acheter et vendre, se fonde sur une rationalité qui doit être complétée par un esprit de solidarité et de coopération. On est obligé de revenir au rôle de l’Etat et au rôle des populations pour corriger les folies du marché. Et même aux Etats Unis, ce sont les contribuables qui doivent de nouveau corriger les errances des spéculateurs et du marché.

Les choix et les options qui datent déjà des années 68 avec une révolution culturelle où « il est interdit d’interdire » viennent de manifester leurs limites. La postmodernité doit être repensée et la question des valeurs doit être revisitée à nouveaux frais. Le Pape propose qu’on revisite de nouveau la question de la loi naturelle et de la nature humaine. La vie est plus qu’un simple échange de commodités sans autre régulation que la loi du marché. Elle appelle des références éthiques car pour éduquer une personne, il faut savoir ce qu’est une personne humaine et connaître sa nature. On est ainsi renvoyé aux convergences éthiques qui se trouvent dans toutes les cultures et qui sont l’expression de la même nature humaine. On est obligé de revisiter la question de « la nature humaine, voulue par le Créateur et que la sagesse éthique de l’humanité appelle la loi naturelle. Cette loi morale universelle est le fondement solide de tout dialogue culturel, religieux et politique et elle permet au pluralisme multiforme des diverses cultures de ne pas se détacher de la recherche commune du vrai, du bien et de Dieu. L’adhésion à cette loi inscrite dans les cœurs est donc le présupposé de toute collaboration sociale constructive »[5].

Face à cette dérive de l’Occident, quelle force de survie nos pays peuvent-ils développer ? Comme la mondialisation de la révolution culturelle touche tous les coins de la planète terre, notre contexte a-t-il des ressources pour développer une capacité de résilience et absorber les chocs actuels ?

  1. Pays pauvres : Dynamique du sauve-qui-peut.

Pour les pays pauvres et marginaux comme les nôtres, les retombées de la crise deviennent même plus graves encore. Les analyses récentes del’International Center for Transitional Justice sont éclairantes à ce sujet[6].La majorité des conflits ont surgi ces dernières décennies dans des pays à faible niveau de développement, des pays où il y avait pauvreté, inégalités, précarité et insécurité à tous points de vue. Ces pays sont marqués par des histoires de violations massives de droits humains qui hypothèquent davantage les pré-requis contextuels pour l’organisation politique et le développement. La pauvreté aggrave le phénomène de marginalisation et de vulnérabilité, ce qui fragilise les groupes face aux abus de pouvoir et les institutions qui auraient pu les protéger. Dans ces pays se développent de grandes inégalités qui génèrent des frustrations. Celles-ci entraînent à leur tour des incubations du potentiel de violence. C’est ici que se développe de façon ostentatoire le phénomène de la corruption, l’exploitation illégale des ressources naturelles ainsi que les crimes économiques, souvent de très haut niveau. L’éclatement des violences entraîne des destructions d’infrastructures physiques et des moyens sur lesquels auraient dû reposer le développement. Il est donc permis de se demander si le déficit de développement ne génère pas les violations massives des droits humains, renforçant les inégalités, affaiblissant la gouvernance, accroissant l’insécurité et désarticulant le capital social si fondamental pour le développement. De l’autre côte, la question demeure de savoir si les violations massives des droits humains et la mauvaise gouvernance ne conduisent pas à l’appauvrissent du pays, à la destruction des infrastructures de développement. Ici nous sommes au cœur des questions éthiques et morales.

Les conflits armés, les dictatures, les désastres humains et les violations massives des droits humains ont un long impact sur l’inhibition et l’atrophie des capacités de développement. Ils désarticulent les systèmes et les institutions d’éducation, déstabilisent le travail de production, détruisent les réseaux et le sens de solidarité et accroissent le niveau de pauvreté. Voilà ce qui fait le lot des pays dit sous-développés, les plaçant ainsi dans un cercle vicieux où les différents paradigmes d’organisation politique et de développement ainsi que différents projets initiés depuis de décennies n’ont pas réussi à promouvoir un décollage réel. Les pays émergeants sont ceux qui ont pris une conscience aigüe de cette relation entre capital social, organisation politique et développement et qui mettent l’accent sur ce que Sen Amartya et Martha Nussbaum appellent « Capability and Well-Being », « Development as Freedom » et « Agency »[7].

Le rapport de la Banque Mondiale de 2006 prenait position sur la question qui nous occupe en disant que la pauvreté conduit à la diminution des attentes chez les populations qui, à son tour, a un impact négatif sur le développement[8].

On ne s’en rend pas suffisamment compte, l’héritage des atrocités du passé développe inconsciemment au sein des victimes, mais aussi de leur communauté un profond et durable sentiment de peur et d’incertitude. Cela se remarque d’abord chez ceux qui ont subi des sévices physiques, mais aussi cela s’étend rapidement chez leurs membres de familles et, par osmose, jusqu’à leur communauté et à la société en général. Ce sens d’incertitude conduit à une peur panique permanente qui génère à son tour une démobilisation intérieure et une perte de la capacité d’initiatives.

De plus les gens perdent progressivement la capacité de développer des attentes et des aspirations par rapport à ce à quoi ils pourraient s’attendre raisonnablement. Ayant subi des frustrations dans leurs droits élémentaires, ces victimes finissent pas se convaincre qu’elles ne peuvent pas s’attendre à quelque chose de bon et atrophient progressivement la sphère de leurs ambitions. Les enfants qui naissent dans les milieux aisés sont beaucoup plus à même de rêver toujours d’ambitions grandissantes tandis que les pauvres et les victimes des violences développent une logique d’autocensure. Les gens perdent le goût d’aspirer à un statut social épanouissant au niveau professionnel et au niveau économique. L’audace de faire des réclamations auprès des autorités va en diminuant. Cette capacité d’aspiration ne touche pas seulement les besoins et les désirs individuels, les préférences ou les plans, elle est plus profonde encore en touchant les attentes sociales et les attentes au niveau de la conception et de l’application des normes.

Il se développe dans leur milieu des réflexes de réclusion qui les confinent à leurs familles, à leurs clubs et communautés, réduisant ainsi l’idée de l’espace public. Cela conduit à un désengagement des réseaux sociaux et de la dynamique de solidarité sociale en général.

Ces phénomènes ne touchent pas que les victimes. En effet, la dynamique de peur est contagieuse. Les auteurs des violations des droits humains finissent par développer le même type de réflexe de réclusion et de solidarité fermée que les victimes, non seulement à cause des sentiments d’insécurité par rapport aux révoltes éventuelles, mais aussi par peur du retournement de l’histoire. Dans un tel contexte, il devient difficile, autant pour les victimes que pour les auteurs des violations des droits humains de voir les citoyens d’un même pays ou d’une même région augmenter les possibilités de travailler ensemble.

Un autre phénomène qui apparaît généralement dans des cadres de violences est la perte de confiance dans les institutions. On n’y croit plus. Comment pourrait-on répondre positivement à une autorité ou à une institution dont on est convaincu qu’on ne partage plus la même base des normes. Les propos et les décisions des autorités institutionnelles provoquent chez les victimes des ressentiments qui ne permettent aucun sens de collaboration librement consenti pour l’exécution d’un quelconque programme. Les institutions sont ainsi obligées de recourir chaque fois à un surcroît de force pour faire exécuter les décisions prises, ce qui accroit les frustrations avec le potentiel de violence qui les accompagne. Les pauvres ont l’impression d’être soumis à une pression les obligeant à souscrire à des normes dont les effets sociaux contribuent à la diminution de leur dignité en exacerbant l’inégalité et en les marginalisant d’avantage dans l’accès aux biens et aux services.

Tout ce que nous venons d’évoquer ici montre combien la pauvreté, la question de la violation des droits humains et la destruction de la base éthique sont intrinsèquement liées et constituent un frein au développement. Une étude par Philip Keefer et Stephen Knack[9] a montré qu’il y a une corrélation entre le respect des droits civils et politiques et la croissance économique ainsi qu’une corrélation entre l’instabilité politique et la violence dans la régression économique et le tarissement des investissements.

Au Nord comme au Sud, nous nous retrouvons donc dans une situation habitée par un besoin de se renouveler en profondeur au niveau culturel en redécouvrant les valeurs de fond sur lesquelles construire un avenir meilleur. La question éthique est devenue une question fondamentale aujourd’hui.

  1. L’inflation du religieux dans un univers de crise

La nouvelle situation entraîne le besoin de générer une nouvelle symbolique pouvant redonner une cohérence à la vie. La création de nouveaux lieux du religieux donne l’impression qu’on arrive enfin dans un environnement religieux où on s’immerge dans le souffle de la vie. On a l’impression d’être mieux protégé. On retrouve de nouvelles confréries qui recrée la chaleur humaine et le support communautaire avec l’impression de redémarrer une ère nouvelle, satisfaisant ainsi l’espérance apocalyptique et se guidant d’un code éthique adaptable aux situations loin des grandes Eglises qui ont un code éthique rigide. Ces nouveaux mouvements religieux influent sur la vie collective en proposant souvent des réponses simples à des questions complexes de l’existence comme la vie, la mort, la maladie, la pauvreté. Il peut arriver que cela provoque chez les adeptes le refus de s’engager dans la lutte contre la misère et chez certains l’abandon des études. Pour certains de ces mouvements, la société est présentée comme un lieu de perdition, la médecine comme inutile et la politique comme désuète. Par différentes méthodes, l’autorité charismatique anesthésie l’esprit critique des fidèles. Dans cet état de fait, ces mouvements sont des sources de revenus pour leurs fondateurs, et le jeu des intérêts est souvent à l’origine de schismes et de dissidences. La multiplicité des nouveaux mouvements religieux connaît des influences et des emprunts qui engagent dans un syncrétisme d’une complexité insoupçonnée entraînant scission de groupes, nomadisme des adhérents, naissance, renaissance et mort de communautés.

De plus, il peut se développer une religion politique qui se développe comme volonté d’occuper l’espace global de l’existence avec développement d’un messianisme sociopolitique de l’élu de Dieu pour conduire son peuple.

Le premier problème qui se pose à l’analyste lorsqu’il entreprend l’étude ayant relation avec la notion de politique est d’abord le caractère polysémique du concept « politique ». Dans la langue française, il revêt une double signification : d’une part, il se présente comme étant l’ensemble des interactions qui s’établissent entre des acteurs, des individus ou collectifs, poursuivant les mêmes intérêts ou des intérêts divergents pouvant aboutir à l’acquisition des positions de gouvernement ou d’une autorité. Ainsi, l’on entend parfois que telle personne fait de la politique. D’autre part, il désigne tout acte ou toute action liée à un individu ou à une organisation. Et l’on entend souvent dire que telle entreprise, par exemple, n’a pas de politique commerciale.

 

La langue anglaise, quant à elle, offre l’avantage d’un grand éventail de concepts dans la définition du terme politique. Nous retiendrons ici trois mots : « polity » qui signifie la sphère de la lutte pour le pouvoir, « politics » qui veut dire un cadre d’action ou l’activité politique et « policies » qui veut dire l’action publique. Le premier mot opère une distinction entre la sphère politique et la société dans sa globalité. La seconde notion s’applique, elle, à l’activité politique qui peut être représentée soit par la compétition pour l’acquisition des positions de gouvernement soit par les diverses formes de mobilisation sociopolitiques. Le troisième terme désigne, enfin, le processus par lequel sont élaborés et mis en place des programmes d’action publique. C’est, justement, ce troisième terme combiné avec les précédents  qui permet de mieux rendre compte de la manière dont les Nouveaux Mouvements Religieux occupent l’espace politique au Burundi.

 

L’instrumentalisation de la religion comme une  des énergies sociales primaires dans les compétitions politiques se révèle être de plus en plus un facteur limitant du libéralisme politique d'autant plus que, dans la course à la conquête du pouvoir ou dans le refus d'alternance, la mobilisation des passions identitaires engendre une peur de l'altérité et crée une «  impasse psychologique» qui peut éloigner les perspectives et les capacités collectives de faire émerger un projet politique national. Il n’est plus rare en Afrique de voir une combinaison qui était difficile à imaginer mais dont ces dernières décennies imposent la visibilité : celle de président-pasteur. Ainsi quelques questions doivent soutenir la vigilance des analystes : Le recours à la religion en politique ne peut-il pas être un moyen  pour pallier les carences de l’Etat? La religion s’intéresse-t-elle seulement au Sacré ou doit-elle aussi informer les autres dimensions de la vie  dont le politique ?  Et si elle doit informer le politique quelles peuvent en être les enjeux ?

 

  1. Redécouvrir la dimension spirituelle authentique

 

La philosophie de Marx aimait classer la religion dans toutes les autres idéologies dont le capitalisme qui sont des moyens utilisés par les classes dominantes pour légitimer leur pouvoir et empêcher la révolte des dominées. S’il est vrai que cette conception de Marx visait à défendre son « utopie socialiste », il réagissait à un mélange de la religion et de la politique.  Ce mélange se répand de plus en plus avec la montée des nouveaux mouvements religieux dans le monde en général, en Afrique et au Burundi en particulier.  Et comme nous le savons la montée des nouveaux mouvements religieux au Burundi commence avec les années 1990, période l’ouverture au pluralisme politique. Ce sont des années pour les pays africains en général et pour le Burundi en particulier qui correspondent avec l’échec des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), la chute du mur de Berlin et  le démantèlement du bloc de l’Est.

Le libéralisme économique est proposé comme solution de rechange pour que l’ordre économique et social soient établis de la manière la plus harmonieuse en limitant le rôle de l’Etat et en laissant libre court à l’initiative individuel. Le capitalisme est un concept intrinsèquement lié au libéralisme économique. C’est un système d’organisation économique fondé sur la propriété privée des biens de production et sur la concurrence des entreprises à la recherche du plus grand profit. Voilà pourquoi, pour faire passer cette logique anglo-saxonne de la vision économique des choses il fallait un instrument qui facilite la transmission.

Les nouveaux mouvements religieux furent un des instruments au service du libéralisme économique. En effet, ces mouvements transmettent des théologies de prospérités individuelles. Ainsi, comme remarque Yves Droz (2004 :38), les fidèles des nouveaux mouvements religieux en Afrique ne sont pas insensibles au déploiement ostentatoire de la fortune de leur Eglise qui justifie, à leurs yeux, l’affiliation à une lointaine Eglise étrangère. Cette attirance pour la richesse s’inscrit dans la droite ligne de la théologie de la prospérité propre au courant nord-américain du pentecôtisme. En Afrique en général et au Burundi en particulier, on remarque de plus en plus une présence effective des leaders  de la haute sphère de la vie politique. En effet, comme le dit si bien De Rosny (2003 :3) citant Guétny, pour certains chefs d’Etat africains, l’exemple de l’ancien Président des Etats-Unis, Georges W. Bush, n’est pas sans effet. 

Il a été élevé chez les presbytériens comme l’écrit Jean-Paul Guétny. Après un détour par les épiscopaliens, il a élu communauté chez les méthodistes, suivant ainsi sa femme. Mais il se rattache à la mouvance des « born again » –  les ‘nés de nouveau’ – qui, naguère marginale, est devenue un courant majeur aux Etats-Unis. Sa « conversion » a eu lieu en 1985, après un long entretien avec le pasteur Billy Graham, grand organisateur de « croisades », qui l’a tiré de l’alcoolisme. Qu’apporte sa foi à Georges Bush ? Un désir de servir. Un sens aigu du bien et du mal. Chez les « born again », on fonctionne par mode d’opposition binaire. Le Président a inventé l’expression « l’Axe du mal ». Eric De Rosny  constate le même cheminement chez le Président Bagbo de la Côte d’Ivoire : Il s’est remarié avec Mme Simone Ehivé, ancienne responsable de la Jeunesse Etudiante Chrétienne. Ce serait sous l’impulsion de cette dernière qu’il serait passé à l’Eglise Evangélique. Le Pasteur Koré préside aux prières dans la résidence présidentielle de Cocody. Celui-ci est très lié à une Eglise évangélique, style ‘born again’. Il a aussi des liens avec la Présidence des Etats-Unis (2003 : 4). 

Cette combine que l’on observe dans la majorité des pays en développement supposerait une amélioration des conditions de vie des peuples. Mais Masangana (2003 : 13) constate  le contraire. L’ambiance est à la sinistrose, la corruption ne s’est jamais portée aussi bien, la guerre se banalise, le respect des personnes et des biens est bafoué sans remords. Bref la souffrance est devenue le lot quotidien des peuples.

L’insistance sur le salut personnel est un corolaire de la vision américaine des nouveaux mouvements religieux, une vision inspirée de la vision économique  de la réussite. La dimension communautaire du Salut est absente et le péché commis par les structures sociales n’est pas pris en compte. Les autres églises qui ont cette vision du péché structurel deviennent de « targets » de ces mouvements religieux. Il faut briser ces anciennes organisations qui étouffent la liberté religieuse des membres.

 

La situation actuelle requiert une redécouverte de l’authenticité de la spiritualité comme dimension intégrative de la vie personnelle et de la vie sociale. Ceci exige qu’on redécouvre la valeur de l’amour, et comme le dit Benoît XVI, la redécouverte de l’amour dans la vérité. Cette redécouverte conduira à faire l’expérience étonnante du don, surtout le don de soi-même. Benoît XVI le dit ainsi : « La gratuité est présente dans notre vie sous de multiples formes qui souvent ne sont pas reconnues en raison d’une vision de l’existence purement productiviste et utilitariste. (…)Le don par sa nature surpasse le mérite, sa règle est la surabondance. Il nous précède dans notre âme elle-même comme le signe de la présence de Dieu en nous et de son attente à notre égard. La vérité qui, à l’égal de la charité, est un don, est plus grande que nous »[10].

 

La Vérité et l’Amour seront donc à la base de la renaissance de notre pays le BURUNDI.

 

Je vous remercie.

Par Fr. Emmanuel Ntakarutimana

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