Impacts des Initiatives de Développement
Cinq mois après le début du projet, une évaluation a été faite pour apprécier le changement survenu chez les jeunes des trois communautés (Rumonge, Itaba et Ruhororo) grâce à l’intervention du Centre Ubuntu. Cette évaluation menée sous la méthodologie de focus group visait le groupe des bénéficiaires directs du projet, d’une part comme groupe, d’autre part comme individu. Il visait aussi le groupe témoin (des bénéficiaires indirects) qui avait l’opportunité de donner son appréciation quant aux activités initiées par le Centre Ubuntu et l’Unicef dans leur milieu.
III.1. Commune Rumonge (Buzimba A et B)
III.1.1. Bénéficiaires directs comme groupe
Aux bénéficiaires directs, il a été posé un certain nombre de questions pour évaluer l’impact des initiatives du Centre Ubuntu en collaboration avec l’Unicef. Les agents du Centre Ubuntu ont d’abord voulu savoir s’il y a des changements de comportements observables dus à l’animation communautaire. Les bénéficiaires directs interrogés ont tous reconnu que les mots agressifs utilisés par les jeunes pour se provoquer mutuellement ont sensiblement perdu de leur ampleur. En plus, les visites amicales entre les jeunes résidents et les jeunes rapatriés se multiplient.
Les agents du Centre Ubuntu ont ensuite évalué les changements observés grâce à la formation dispensée basée sur les valeurs d’Ubuntu, la gestion des traumatismes, la résolution pacifique des conflits, le leadership et la gouvernance participative, le développement et l’autonomisation. Les bénéficiaires directs ont rapporté que grâce à la formation reçue, les ligalas ont diminué, la majorité de jeunes s’active pour épauler leurs parents.Des conseils sont donnés à l’endroit des jeunes qui se méconduisent, les mariages mixtes entre les jeunes résidents et les jeunes rapatriés sont actuellement une réalité.
Tous ces changements ont été consolidés par le projet de développement initié par le Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef. En effet, le projet de l’élevage des chèvres a été globalement connecteur ; il a favorisé la consolidation de bonnes relations entre les résidents et les rapatriés membres de l’Association TWUNGUBUMWE et leur a permis de créer une chaîne de solidarité non seulement entre eux, mais aussi avec les autres membres de la communauté de Buzimba.
Deux jeunes des dix bénéficiaires directs interrogés ont aussi signalé qu’ils ont suivi l’émission radiodiffusée Ubuntu Burihabwa portant sur le projet de Buzimba. Cette émission parlait d’une part des relations entre les jeunes résidents et les jeunes rapatriés, d’autre part de la problématique des grossesses « non désirées ». Sur ce dernier sujet, les deux jeunes interrogés ont révélé que des commerçants pointés du doigt dans l’émission ont été choqués par l’exposé au grand jour de leur mauvais comportement.
- Le changement le plus significatif
Un membre de l’Association TWUNGUBUMWE, Dieudonné HAKIZIMANA, a narré une histoire portant sur le changement le plus significatif survenu dans son milieu grâce aux activités du Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef : Depuis le rapatriement des Burundais résidant à Buzimba, zone Gatete de la Commune Rumonge, certains résidents se moquaient des rapatriés et les soupçonnaient beaucoup. Les jeunes résidents avaient adopté un surnom « les UN »[1] qu’ils accolaient aux jeunes rapatriés et ces derniers n’ont jamais apprécié cela. Un certain commerçant du nom de Juvénal prononçait chaque fois le même mot à ses clients qui venaient acheter quelque chose dans sa boutique. Chaque fois qu’un rapatrié entrait, il lui disait «toi UN ». Avec l’animation sur les valeurs et la formation organisées par les agents du Centre Ubuntu à l’endroit des jeunes résidents et des jeunes rapatriés, les consciences des uns et des autres ont été touchées soit lors de l’animation soit lors de la formation. Quelques jours après les deux activités, moi (Dieudonné : résident), j’ai entendu monsieur Juvénal prononcer ce mot de « UN » à ses clients.
J’ai alors profité de l’occasion pour exploiter ce que j’ai appris de l’animation et de la formation du Centre Ubuntu. Ainsi, après mes conseils, Juvénal a pu changer et adopter une attitude positive envers nos frères rapatriés.
III.1.2. Bénéficiaires directs comme individu
Chaque bénéficiaire direct interrogé a donné son témoignage quant à l’impact du projet dans sa vie. Hakizimana Dieudonné, un jeune homme résident de Buzimba et membre de l’Association TWUNGUBUMWE témoigne qu’avant les initiatives du Centre Ubuntu, il considérait tout rapatrié comme son ennemi. Les amis qu’il avait étaient tous des résidents comme lui. Actuellement, il fréquente le village des rapatriés et y a beaucoup d’amis. Par exemple, les jeunes Oswald, Fadhiri, Lucas, Nadine, Joselyne, Schola, tous des rapatriés, sont devenus ses amis seulement après leur premier contact organisé par le Centre Ubuntu.
Quant au projet de développement d’élevage de chèvres, il trouve que c’est un projet qui est globalement connecteur surtout pour les jeunes qui ne sont pas attachés aux partis politiques. Toutefois, il y a certains membres de la communauté de Buzimba qui croient que ce projet a été initié par un parti politique ; il y a une confusion entre la salutation «Tugire Ubuntu » propre au Centre Ubuntu et un slogan d’un parti politique « Ukuri n’Ubuntu ». Cette confusion a été néanmoins pour Dieudonné une aubaine pour expliciter le bien fondé du projet.
Le jeune homme a enfin raconté une histoire qui illustre la valeur du projet initié par le Centre Ubuntu dans l’esprit de la réconciliation : Avant l’intervention du Centre Ubuntu, je détestais tout rapatrié. Quand les rapatriés sont rentrés d’exil, ma famille est entrée en conflit foncier avec la famille d’un rapatrié du nom de Ciza. Et par conséquent, j’étais en conflit avec ce Ciza. Avec les formations reçues, personnellement, tous mes préjugés et sentiments que j’avais envers les rapatriés ont commencé à disparaître. J’ai eu l’opportunité d’être en contact avec les rapatriés et cela m’a permis de voir autrement les rapatriés et de vaincre le sentiment de haine que j’avais envers eux.
Aujourd’hui, j’ai bénéficié des amitiés au sein de l’équipe des rapatriés et nos relations se renforcent jour après jour. Et mes relations avec Ciza sont aujourd’hui bonnes.
Ndayiragije Scholastique est une jeune fille rapatriée, membre de l’Association TWUNGUBUMWE. Elle témoigne qu’avec l’animation et la formation dispensées par le Centre Ubuntu, elle a compris que ses relations avec les résidents doivent être bonnes. Elle a acquis de nouvelles connaissances et elle est contente d’être en association avec les résidentsqui désormais sont devenus ses amis. Elle trouve que le projet initié par le Centre Ubuntu est connecteur parce qu’il aide à renforcer les liens déjà tissés entre les jeunes résidents et les jeunes rapatriés.
Nzeyimana Albert, un autre bénéficiaire direct lui aussi a apprécié les initiatives du Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef. Comme jeune rapatrié, il témoigne qu’avant l’initiation du projet, il avait une rancune envers les résidents. Mais aujourd’hui il affirme qu’il n’est plus à ce stade ; grâce au projet, il a gagné des amis parmi les résidents. Grâce à la formation reçue, il affirme qu’il a acquis des connaissances et a compris qu’il ne faut plus jamais rester sur les ligalas mais qu’il faut plutôt chercher une occupation. Il a alors décidé d’aider ses parents dans leur petit commerce. Il affirme aussi que le projet initié par le Centre Ubuntu est connecteur parce qu’il permet aux jeunes de se rencontrer, d’échanger et de travailler ensemble.
Albert raconte une histoire du changement survenu dans sa vie grâce à l’intervention du Centre Ubuntu : Avant l’intervention du Centre Ubuntu, je n’avais pas confiance aux gens et aux résidents en particulier. Pour le gros de mon temps, j’étais toujours aux ligalas sans me soucier de rien.
Aussi, mes relations avec mes voisins en général et avec les résidents en particulier étaient-elles tendues. Mais, avec les interventions du Centre Ubuntu, j’ai pris conscience de l’importance et de la valeur de l’animation et de la formation du point de vue savoir-être et savoir-faire. Maintenant, je rends visite à des gens à qui je ne pouvais même pas parler. J’ai aussi partagé les informations tirées de l’animation et de la formation avec certains d’entre eux.
Igiraneza Sophie est une jeune résidente, elle aussi membre de l’Association TWUNGUBUMWE. Elle atteste qu’avant les initiatives du Centre Ubuntu dans leur milieu, elle suspectait les rapatriés. Après l’animation psychosociale et après avoir suivi le processus de formation, elle a compris les méfaits des mauvaises relations sociales et a bénéficié des techniques de résolution pacifique des conflits. Avec ces techniques elle a pu réconcilier deux filles qui se haïssaient mutuellement. Sophie affirme que le projet initié par le Centre Ubuntu en collaboration avec l’Unicef est connecteur parce qu’aujourd’hui elle peut travailler sans appréhension avec des gens qu’elle détestait avant.
III.1.3. Bénéficiaires indirects (groupe témoin)
Un groupe témoin a été interrogé sur les activités du Centre Ubuntu à Buzimba. C’est un groupe composé d’habitants de Buzimba qui a la possibilité de bénéficier indirectement du projet. En effet, avec le système de chaîne de solidarité, les bénéficiaires indirects pourront bénéficier eux aussi des petits de chèvres. Parmi neuf bénéficiaires indirects interrogés, seulement trois ont affirmé être au courant du projet. Un parmi eux connaît avec des détails l’élevage de chèvres fait par les jeunes bénéficiaires directs. Néanmoins, il se lamente disant que le cercle des bénéficiaires directs reste fermé. Les trois bénéficiaires indirects recommandent au Centre Ubuntu d’organiser des formations qui pourraient être bénéfiques pour un plus grand nombre de jeunes.
III.2. Commune Ruhororo (Ngozi)
III.2.1. Bénéficiaires directs comme groupe
Sur le plan communautaire, les bénéficiaires directs de la zone Ruhororo apprécient les initiatives du Centre Ubuntu. Après les animations psychosociales et le processus de formation, il a été remarqué une sensible diminution des antivaleurs telles que l’oisiveté, les ligalas et les violences. La suspicion et la haine entre les déplacés et les gens restés sur les collines ont aussi diminué. Les jeunes commencent à perdre de l’esprit d’animosité et savent actuellement qu’une personne ressemble à une autre. Etant d’ethnie différente, les jeunes commencent à se rendre visite sans appréhension. Les jeunes bénéficiaires affirment qu’actuellement, les déplacés peuvent aller cultiver leurs champs sur les collines sans inquiétude, et les gens des collines peuvent passer leur soirée dans le site des déplacés.
Avec la création de l’Association DUSHIREHAMWE MU BUNTU les jeunes affirment qu’ils ont gagné beaucoup d’amis et de connaissances. Le projet de l’élevage de chèvres et de porcs a fait que les gens présumés ennemis à cause de leur appartenance ethnique ou à cause des convictions sociopolitiques se partagent actuellement le pâturage. Et ils sont obligés de se rencontrer souvent et de dialoguer.
- Le changement le plus significatif
Un jeune membre de l’Association, Ndayisenga Méthode, a narré l’histoire du changement le plus significatif vécu grâce au projet du Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef : Nous sommes allés rendre visite à Mariane, la présidente de notre Association, qui habite à Bucamihigo. Nous avons partagé la bière jusque tard dans la nuit (vers 19h). Avant l’intervention du Centre Ubuntu, si un déplacé tardait à rentrer, on lui disait: « les poules blanches rentrent avant la tombée de la nuit ». Mais ce jour-là, grâce aux activités du Centre, nous sommes rentrés tranquillement, accompagnés par les gens de la colline Bucamihigo, jusque au site des déplacés.
Cette histoire montre l’impact du projet : la diminution de la haine et de la suspicion entre les déplacés et les gens restés sur colline. Ndayisenga Méthode recommande au Centre Ubuntu de faire l’extension du projet jusque dans d’autres sites de Ruhororo, notamment à Mubanga.
III.2.2. Bénéficiaires directs comme individu
Yamuremye Domitien est un jeune de Bucamihigo (un des sites de Ruhororo) membre de l’Association DUSHIREHAMWE MU BUNTU. Il affirme qu’avant l’animation, il avait la rancune envers les hutus qui ont massacré les leurs, actuellement il les considère comme « ses frères ». Grâce à la formation sur la valeur d’Ubuntu, Domitien affirme que la paresse a diminué ; il ne fréquente plus les ligalas.
Et grâce à la formation sur l’Ubuntu et sur la résolution pacifique des conflits, il ne se chamaille plus avec ses collègues, il aide plutôt les autres à vivre dans l’entente mutuelle. Il atteste que sur le plan communautaire, les hutus et les tutsis travaillent ensemble dans l’association sans suspicion. Le projet de développement initié par le Centre Ubuntu est pour lui connecteur car grâce à lui il peut aujourd’hui travailler avec ceux qu’il considérait avant comme ses ennemis.
Nyandwi Caritas quant à elle affirme qu’avant l’animation elle avait peur des gens vivant dans le site des déplacés, mais actuellement elle peut passer la nuit dans le site sans aucune crainte. Grâce à la formation sur la valeur d’Ubuntu, elle considère toute personne comme « son frère » ou « sa sœur ». Le sentiment de haine qu’elle avait envers les déplacés, jusqu’à refuser de vendre ou acheter quelque chose chez un déplacé n’est plus là. Et grâce à la formation reçue sur la résolution pacifique des conflits, elle conseille les gens et les membres de la communauté de régler leurs différends sans sortir les griffes. Sur le plan communautaire, elle est satisfaite du fait que la suspicion entre les jeunes des différentes ethnies a sensiblement diminué ; les jeunes déplacés et ceux restés sur les collines se rendent visite mutuellement ; avec le projet d’élevage de chèvres et de porcs, les visites se multipliententre les jeunes des différentes ethnies, membres de l’association. Pour Caritas, ces visites sont non seulement une occasion de connaître les lieux d’habitation des uns et des autres et leurs situations sociales, mais aussi de consolider le travail de réconciliation initié par le Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef.
Hakizimana Philbert est un jeune du secteur Buniha, membre de l’Association DUSHIREHAMWE MU BUNTU. Il témoigne en disant que les initiatives du Centre Ubuntu dans les sites de Ruhororo lui ont permis de n’avoir plus jamais peur des gens du site des déplacés. La formation reçue sur les valeurs d’Ubuntu l’a aidé à changer de mentalités et de préjugés. Et avec la formation sur l’auto-développement, il a pu entreprendre certaines activités comme la culture des amarantes et l’élevage de poules pondeuses ; il peut ainsi se procurer un peu d’argent pour payer ses études. Il apprécie aussi la formation sur la résolution pacifique des conflits car il peut désormais participer à la réconciliation des membres de la communauté sans prendre de parti. Sur le plan communautaire il apprécie comment les jeunes qui sont restés sur les collines, bénéficiaires du projet, rendent souvent visite à ceux du site des déplacés et rentrent quand ils veulent. Cela est aussi une réalité pour les jeunes vivant dans les sites. Pour Philbert, le projet initié par le Centre Ubuntu est connecteur car les jeunes qui ne se parlaient pas avant peuvent aujourd’hui se parler sans s’inquiéter de rien.
Uwingabire Prosper est un jeune bénéficiaire direct du projet initié par le Centre Ubuntu. Il témoigne qu’avant l’animation, il était extrêmement extrémiste envers les déplacés à cause des tueries que certains d’entre eux ont faites aux membres de sa famille. Il raconte que sa tante, son oncle et son grand-père ont été assassinés en sa présence par certains de ces déplacés. Suite à ces mauvais événements qui sont passés sous ses yeux et par le fait que ceux qui ont tué ses parents sont encore en vie, Prosper sentait une haine viscérale envers tous les déplacés. Mais avec les connaissances reçues, particulièrement sur les valeurs d’Ubuntu, il a fait divorce avec l’esprit de vengeance qui le hantait. Aujourd’hui il rend visite aux déplacés sans aucune rancune. Il apprécie aussi la formation reçue sur l’auto-développement. Avec les notions apprises, il a pu cultiver des amarantes dans son jardin marécageux et a déjà gagné un peu d’argent pour satisfaire certains de ses besoins.
Uwingabire Prosper trouve que le projet initié par le Centre Ubuntu est un projet connecteur. En effet, les jeunes qui sont restés sur les collines et ceux qui sont dans les sites de déplacés se rendent souvent visite. Trois jours ne peuvent pas passer sans que ces jeunes se rencontrent pour consolider leurs relations.
III.2.3. Bénéficiaires indirects (groupe témoin)
Un groupe témoin a été interrogé pour savoir s’il a une idée sur les activités du Centre Ubuntu à Ruhororo. Parmi huit bénéficiaires indirects interrogés, six affirment qu’ils sont au courant du projet du Centre Ubuntu. Ils disent que l’animation psychosociale a aidé les jeunes à changer de comportement. Barampanze Nestor affirme que certains jeunes du site de déplacés qui ont boycotté l’animation ont par la suite reçu des conseils de leurs frères et sœurs et ont commencé à changer leur mauvais comportement. Quant aux notions de valeurs d’Ubuntu apprises pendant l’animation, elles ont aidé les jeunes hutus et les jeunes tutsis à s’accepter mutuellement sans suspicion. Les bénéficiaires indirects se réjouissent aussi de voir comment les jeunes restés sur les collines et ceux des sites des déplacés se rendent visite et sont devenus solidaires grâce au projet de l’élevage de chèvres et de porcs.
Ndihokubwayo Emmanuel affirme : Le projet initié par le Centre Ubuntu est connecteur car je vois des jeunes du site qui viennent chez nous pour rendre visite aux jeunes de notre colline alors que ce n’était pas le cas avant.
Les bénéficiaires indirects recommandent au Centre Ubuntu de renforcer sa présence auprès des jeunes de Ruhororo surtout dans ces jours où le Burundi se prépare aux échéances électorales où les jeunes peuvent être facilement manipulés.
III.3. Commune Itaba (Gitega).
III.3.1. Bénéficiaires directs comme groupe
Le groupe des bénéficiaires directs est unanime sur l’impact positif du projet initié par le Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef. Ils rapportent que les gens qui ne sont pas membres de l’Association TUBEHONEZA leur demandent toujours comment adhérer dans leur groupe parce qu’ils voient qu’ils ont radicalement changé de comportements. Ils racontent que le 1er mai, journée mondiale des travailleurs, ils ont organisé une fête qui a vu la participation des gens qui, il y a quelques temps, ne pouvaient pas s’asseoir ensemble. Cela a impressionné les membres de leurs familles car, avant les initiatives du Centre Ubuntu, il était rare, voire impossible, de voir un jeune hutu et un jeune tutsi autour d’une même table pour partager un verre. Aujourd’hui les autres jeunes les côtoient pour demander des conseils concernant la gestion des conflits. Et grâce à l’assistance faite aux vulnérables, les jeunes de l’Association TUBEHONEZA ont déjà gagné une grande confiance chez les voisins.
III.3.2. Bénéficiaires directs comme individu
Ntiharirizwa Jean-Claude de la colline Kanyonga est un bénéficiaire direct du projet initié par le Centre Ubuntu. Il affirme que depuis les séances d’animation faites par le Centre Ubuntu, lui qui est hutu, collabore étroitement avec les tutsi qu’il considérait avant comme ses ennemis. Ils se rendent visite et se prêtent mutuellement des biens matériels. Après la formation dispensée par le Centre Ubuntu, beaucoup de changements ont été opérés dans sa vie. Avec la formation sur la valeur d’Ubuntu, il rapporte qu’il n’agit plus inconsciemment sur n’importe quelle situation. Il doit d’abord faire un examen de conscience pour peser le bien ou le mal qui peut sortir de ses actes. Avec la résolution pacifique des conflits, il affirme qu’il est aujourd’hui capable d’aider deux personnes en conflits ; il s’approche d’elles, leur pose des questions sur le conflit qui les oppose, puis leur prodigue des conseils.
Le thème sur l’autonomisation l’a aidé à étudier les sources de revenus et comprendre l’importance d’un projet de développement. Grâce à ces connaissances, il a demandé un crédit au sein de l’Association créée, et fait aujourd’hui le commerce de la Primus et de la bière de banane. Le projet lui sourit et il en a déjà gagné un porc et deux poules. Cela l’aide à vivre en harmonie avec les autres parce qu’il n’est pas jaloux de leurs biens.
Niyibigira Perpétue, originaire de la colline Kibogoye, est membre de l’Association TUBEHONEZA. Elle apprécie le projet initié par le Centre Ubuntu appuyé par l’Unicef. L’impact de ce projet dans sa vie reste positif. Elle témoigne qu’avant l’initiation du projet, elle détestait les gens qui vivent dans les sites de déplacés, mais aujourd’hui ce comportement a changé. Elle témoigne disant qu’il y a un garçon du site qui lui avait proposé un mariage mais qu’elle avait refusé parce qu’il n’était pas de son ethnie (hutu). Mais après avoir suivi les enseignements du Centre Ubuntu, elle s’est engagée avec lui et espère qu’ils vont bientôt se marier.
Le projet initié par le Centre Ubuntu est donc pour elle très connecteur car l’Association TUBEHONEZA est composée par les jeunes de différents groupes ethniques (hutu, tutsi et twa). Ils sont ensemble dans leurs activités alors qu’avant ils se moquaient mutuellement les uns des autres et se regardaient en chien de faïence.
Florette Bangirinama est une jeune fille bénéficiaire directe du projet du Centre Ubuntu à Itaba. Elle affirme que les initiatives du Centre Ubuntu lui ont permis de rencontrer et échanger avec les personnes qu’elle ne pouvait plus croire ou approcher dans sa vie. Avant, elle croyait que les résidents sont très méchants, aujourd’hui ces préjugés ne sont plus là car les résidents et les déplacés se rendent visite mutuellement et s’entraident. Elle constate que les initiatives du Centre Ubuntu ont aussi permis aux démobilisés, aux déplacés, aux résidents et aux ex-combattants de se mettre ensemble alors qu’avant cela était voué à l’échec. Actuellement, ces groupes ont noué des relations d’amitiés durables.
III.3.3. Bénéficiaires indirects (groupe témoin)
Trois témoins rencontrés par hasard à Itaba ont tous affirmé qu’ils sont au courant des initiatives du Centre Ubuntu pour les jeunes dans leur milieu. Ils l’ont appris soit par des amis qui sont des bénéficiaires directs du projet, soit par des rencontres des membres de l’Association TUBEHONEZA. Ils affirment que la population est fière des enseignements reçus par les jeunes car ils les ont aidés à changer de comportements. Ils disent qu’aujourd’hui les jeunes formés continuent à sensibiliser les autres sur les valeurs d’Ubuntu, tandis que les parents sont assistés dans l’encadrement et l’éducation de leurs enfants. Le groupe témoin soutient que le projet initié par le Centre Ubuntu est connecteur parce que tous les groupes ethniques sont représentés dans l’Association TUBEHONEZA. Il recommande néanmoins au Centre Ubuntu d’élargir le projet et de former un plus grand nombre de jeunes possible pour consolider la cohésion sociale sur toutes les collines d’Itaba.
[1]Les jeunes rapatriés sont surnommés « UN » parce que non seulement ils sont rentrés de la Tanzanie dans des camions des Nations Unies, mais aussi parce que la même organisation a continué à les assister dans leurs villages.
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